Adam Assia

Les opportunités de croissance autour de la question de longévité sont bien réelles, mais complexes. Le vieillissement de la population contraint les acteurs de la « silver économie », publics et privés, à repenser le parcours de vie des plus âgés, mais aussi à trouver des solutions pour les aidants.
Depuis 2000, le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus a augmenté de 77 % à travers le monde. Une tendance lourde qui va se renforcer et à laquelle la France, bien sûr, n’échappe pas. Le défi est clair : bâtir une société de la longévité, ce qui implique de repenser le monde du travail, des villes et de l’habitat.
Sur ce dernier point, rappelons qu’à l’heure actuelle, 600.000 Français vivent en établissement d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad). La tension dans la gestion de ces établissements est de plus en plus forte, comme l’ont confirmé les récents mouvements sociaux. Malgré un renfort de moyens, le secteur reste en « souffrance » selon Monique Iborra, députée LREM chargée d’une mission flash sur les Ehpad. La situation de plus en plus critique de ces établissements pose la question du maintien de nos aînés à domicile. En effet, 90 % des seniors préfèrent rester chez eux plutôt qu’entrer en maison de retraite (sondage OpinionWay).
Innovations technologiques
Un champ d’innovation et un vivier de croissance considérables pour la « silver économie », qu’il s’agisse des acteurs traditionnels ou d’une nouvelle génération d’entreprises. Ainsi, depuis deux ans, la start-up OuiHelp accompagne plus de 150 personnes âgées en Ile-de-France grâce à une centaine d’auxiliaires de vie. L’objectif étant de « permettre aux personnes âgées de continuer à bien vivre chez elles grâce à une meilleure qualité de service, et de revaloriser le métier d’auxiliaire de vie », explique Pierre-Emmanuel Bercegeay, président de OuiHelp. L’entreprise intègre également des innovations technologiques comme un algorithme de matching qui permet d’identifier l’auxiliaire de vie la plus adaptée au senior. Autre piste pour le maintien des personnes dépendantes à domicile, la revalorisation du statut d’aidant déjà évoqué par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn. Le pays compte 8,5 millions d’aidants, plus de la moitié sont des retraités.
De multiples autres enjeux sont encore à prendre en compte. La gestion des seniors dans leur mobilité quotidienne est aussi une priorité, car elle est un facteur clef pour la prévention de la perte d’autonomie. Or, le Laboratoire de la mobilité inclusive rapporte que 44 % des plus de 75 ans déclarent être gênés pour se déplacer en ville. Intégrant cet enjeu dans son projet, la ville de Limoges a récemment signé un partenariat avec Life Design Sonore, une start-up spécialisée dans l’intégration du son. L’entreprise a mis au point une technologie qui améliore la restitution du son embarqué dans les bus offrant ainsi un meilleur confort d’écoute à destination des seniors.
La ville du futur va également voir émerger de nouveaux services de santé destinés aux plus fragiles. Grâce à sa Consult Station, cabinet médical connecté, la start-up H4D met en relation patients et médecins pour une consultation médicale en visioconférence et quel que soit leur environnement (mairie, pharmacie…).
Qui paie la note ?
Avec une pension moyenne de 1.389 euros brut par mois, 83 % des Français craignent de manquer de ressource à la retraite (Ipsos). Qui doit financer le grand âge ? En France, les dépenses liées à la dépendance sont chiffrées à près de 24 milliards d’euros. Depuis 2011, les gouvernements successifs ont évoqué la possibilité d’ajouter une cinquième branche à la Sécurité sociale : « C’est la collectivité nationale qui va devoir prendre le financement de la dépendance à charge », déclarait Emmanuel Macron en avril dernier. Le président de la République a également évoqué la mise en place d’une seconde journée travaillée et non payée. L’année dernière, la journée de solidarité avait rapporté 2,4 milliards d’euros, dont 1 milliard et demi était destiné aux personnes âgées (CNSA).
Les couvertures publiques restent néanmoins insuffisantes compte tenu des besoins. Les personnes âgées pourraient exploiter davantage leur patrimoine immobilier afin de compenser la diminution de leurs moyens financiers. Un patrimoine vendu en viager, par exemple, permet de se procurer un revenu sûr, tout en restant chez soi. Le viager reste cependant un marché de niche avec 5.000 transactions par an… La crainte d’aliéner son patrimoine prend souvent le dessus !
Pour les seniors exclus des prestations attribuées sous condition de ressource, souscrire une assurance privée peut être une solution recommandable. D’autant plus que l’idée d’une assurance privée obligatoire revient sur le devant de la scène, après avoir été évoquée puis abandonnée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Les besoins de dépendance peuvent également être assumés grâce à l’épargne personnelle. Mais pour l’investisseur aux cheveux blancs, les limites d’âge en matière financière constituent un véritable frein : la Fédération française de l’assurance recommande, par exemple, une procédure d’examens systématiques à partir de 85 ans. La fiscalité de l’assurance-vie successorale diffère en fonction de l’âge du souscripteur avant et après 70 ans. Cet âge n’a pas été remis en question depuis presque trente ans ! Reste que l’allongement de l’espérance de vie, source des problèmes du cinquième âge, porte aussi une partie de la réponse. Les Français ont en effet vocation à transmettre de plus en plus tard, et donc à hériter de plus en plus tard.

Emmanuel Roux : « Dépendance : le défi n’est pas seulement financier »
A. A.
Aesio, deuxième groupe mutualiste de France, organise à Paris ce mercredi 23 mai un événement intitulé « Réussir la société de la longévité », dont « Les Echos » sont partenaires. Son directeur général nous explique les raisons qui poussent le groupe à monter ainsi en puissance sur ces questions. Face au prolongement de la vie, les attentes des seniors en matière d’accompagnement évoluent fortement. D’où une obligation d’innovation pour les divers acteurs de la « silver économie ».
Après avoir abordé l’économie collaborative et la santé au travail dans les précédentes éditions de vos « Rencontres », vous avez décidé d’aborder la question de la société de la longévité. Pourquoi un tel choix ?
La problématique du vieillissement de la population est centrale pour nous, compte tenu de l’enjeu économique qu’elle représente. Notre objectif est d’appréhender les voies qui permettront aux mutuelles de réussir à croître dans une société de la longévité. Et j’en suis convaincu, la question de la dépendance va revenir sur le devant de la scène. Emmanuel Macron a d’ailleurs suggéré au cours d’une allocution télévisée de créer un « cinquième risque » assuré par la Sécurité sociale. La prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées pourrait donc se faire via le système de protection sociale. Mais le défi n’est pas que financier : ce n’est pas en injectant des milliards d’euros dans le système que le gouvernement va lutter contre la solitude ou la sédentarité des plus fragiles. Prenons l’exemple du Japon. Ce pays, où les plus de 75 ans sont déjà plus nombreux que les moins de 15 ans, a pris à bras-le-corps l’enjeu démographique. Le marqueur sanitaire est excellent, car, au-delà de gérer le vieillissement de sa population, le gouvernement met en avant de nouveaux équilibres sociétaux.
Dans quelle mesure la problématique du vieillissement de la population transformet-elle votre métier ?
Aujourd’hui, le modèle mutualiste doit se faire une place autour de l’économie du vieillissement. Comme l’ensemble des secteurs, notre métier en est profondément impacté : on passe d’un modèle assurantiel classique à une société de services. Les exigences croissantes de prise en charge de la santé, conséquence directe de l’allongement de l’espérance de vie, nous confortent dans l’idée d’un accompagnement global et personnalisé à destination des plus âgés. Nous mobilisons intelligemment, via les mutuelles du groupe – Adrea Mutuelle, Apréva Mutuelle et Eovi Mcd mutuelle – des moyens financiers et humains pour accompagner les seniors au quotidien et tout au long de la vie. Nous multiplions d’ailleurs les offres qui leur sont dédiées, à l’image de l’assurance Edeo, une garantie pensée pour profiter de l’allongement de la durée de vie proposée par Adrea Mutuelle.
Au sein de votre groupe, quelles réalisations illustrent le mieux cette nouvelle approche ?
Depuis de nombreuses années, le groupe déploie de nombreuses initiatives allant dans ce sens. Je pense nettement à Jase Up, un projet porté par Apréva Mutuelle. C’est un réseau social exclusivement destiné aux personnes fragilisées. Je pense également au label « Cité des aînés » pensé dans l’esprit d’une cité-village. Le projet vise à répondre à l’ensemble des besoins du senior tant au niveau de l’architecture, de la prise en soins que de la sécurité. Plus ludique encore, nous avons lancé « Stim’Art », réalisation d’Eovi Mcd mutuelle, une application qui permet de travailler sur la mémoire !

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