Plus de dix ans depuis l’annonce du projet, sept ans depuis le dépôt du projet de loi au Parlement : c’est le temps qu’il aura fallu pour faire voter le relèvement du plafond des investissements étrangers dans les compagnies d’assurances indiennes de 26 % à 49 %. Son approbation par la Chambre haute du Parlement, où le gouvernement de Narendra Modi n’a pas la majorité, est intervenue presque par surprise en fin de semaine dernière, grâce à la décision du parti du Congrès, principal parti d’opposition, de voter en faveur du texte. Avec une bonne raison : c’est le Congrès qui avait conçu initialement cette ouverture partielle de l’assurance aux capitaux étrangers.

Suite au vote de la loi, les professionnels s’attendent à de nombreuses opérations dans les mois qui viennent. Le marché indien de l’assurance – la branche vie, en particulier – est en effet promis à une forte croissance. D’abord parce qu’il est actuellement peu développé. Selon le broker CLSA, l’assurance-vie correspond à 3,1 % du PIB indien, contre 11,7 % à Hong Kong et 3,8 % en Thaïlande (mais 1,6 % seulement en Chine).

Globalement, estime un financier européen de Bombay, « c’est intéressant pour les acteurs étrangers de prendre position vu l’évolution démographique et l’émergence d’une classe moyenne qui commence à utiliser des produits financiers pour se protéger ». La structure particulière du marché, écrasé par la toute puissante compagnie publique Life Insurance Corporation et ses 63 % de part de marché, laisse espérer de belles marges de progression pour les acteurs privés.

Plusieurs groupes étrangers ont déjà annoncé leur intention de passer de 26 % à 49 % dans leur joint-venture indien, comme le britannique Bupa dans la compagnie d’assurances santé Max Bupa, ou AXA dans Bharti AXA (lire cidessous). Le problème de la valorisation des coentreprises risque néanmoins d’être délicat. Pour ne pas avoir à accepter des prétentions exorbitantes de la part des actionnaires de contrôle, les partenaires étrangers vont, dans certains cas, pousser pour des introductions en Bourse, « le moyen d’obtenir une valorisation de marché incontestable », selon un financier européen concerné.

Le vote de la loi a été accueilli avec délectation dans les milieux financiers indiens, d’autant plus que c’est la première réforme économique d’ampleur que réussit à faire passer le gouvernement Modi. Si ce dernier a la majorité absolue à la Chambre basse du Parlement, il est souvent bloqué dans ses initiatives par la Chambre haute. A cet égard, le succès de la loi sur les assurances ne présage pas forcément d’un déblocage généralisé des réformes économiques de Narendra Modi : le Congrès a fait valoir qu’il s’agissait d’un cas très particulier et que son opposition demeure totale sur d’autres projets cruciaux comme la libéralisation des achats de terres. 

Patrick de Jacquelot, Les Echos
Correspondant à New Delhi