C’est une réforme très technique mais potentiellement lourde de conséquences qui est en voie de finalisation. Alors qu’elle incombe actuellement au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), la prise en charge de la revalorisation des rentes versées aux victimes d’accidents de la route va bientôt être transférée aux assureurs eux-mêmes. La mesure devrait figurer dans le projet de loi de Finances et pourrait s’appliquer pour tous les accidents survenus à compter du 1 erjanvier 2013.

Pour l’Etat, il s’agit là de soulager les finances du FGAO auquel il avait confié cette charge en 2003 sans lui donner de ressources supplémentaires. Au fil des ans, cette charge est devenue très lourde pour cet organisme, dont la principale mission est d’indemniser les victimes d’accidents de la circulation dont les auteurs sont soit non assurés soit non identifiés. En 2011, les revalorisations de rentes, qui doivent être effectuées chaque année pour atténuer les effets de l’inflation, lui ont coûté 36 millions d’euros -qu’il rembourse en fait aux assureurs.

Dans l’intérêt des victimes

Mais surtout, son « stock » de rentes à valoriser a considérablement grossi ces dernières années. L’indemnisation des « corporels lourds », des dossiers qui se chiffrent généralement en millions d’euros, se fait en effet de plus en plus sous forme de rentes. « C’est l’option retenue dans la moitié des cas aujourd’hui, contre à peine 20 % il y a encore dix ans », précise un bon connaisseur du sujet. Dans un Livre blanc sur l’indemnisation du dommage corporel présenté en 2008, les assureurs estimaient que cette solution allaient dans l’intérêt des victimes, qui ne peuvent bien souvent pas vivre sans l’assistance – coûteuse -d’une tierce personne. En moyenne, le montant annuel d’une rente s’élèverait à plus de 30.000 euros.

Or le FGAO est obligé de provisionner dans ses comptes les majorations légales de rente. A fin 2011, les provisions techniques constituées s’élevaient à 713 millions d’euros. Quand ils devront assumer l’indexation des rentes, les assureurs devront eux aussi provisionner cette charge dans leurs comptes.« A la différence du FGAO, qui n’est pas une compagnie d’assurance, nous serons obligés de le faire selon les règles prudentielles. Cela va nous coûter beaucoup plus cher, presque du simple au double »,explique un professionnel. « C’est considérable », s’inquiète un gros assureur automobile.

Alors que les rentes peuvent  être servies pour des durées très longues (20, 30, 40 ans ou plus), surtout quand les accidents impliquent des jeunes, les assureurs auto et deux-roues redoutent par dessus tout les périodes d’hyperinflation, qui feraient dériver les majorations de rentes. Face à cette inconnue, ils essayent actuellement d’arracher auprès du Trésor un « plafonnement » de l’indexation à l’inflation à un niveau « gérable ». Ces dernières années, les majorations légales de rentes ont tourné autour de 2 % par an.

A la suite de ce transfert de charge, certains redoutent que les assureurs soient à l’avenir moins enclins à verser les sinistres en rentes. Plus certainement, les assureurs devraient répercuter cette nouvelle donne dans leurs tarifs, comme le prévient déjà un bancassureur.

LAURENT THÉVENIN