La facture laissée par les événements naturels va considérablement s’alourdir pour les assureurs dans les années à venir. Selon des projections publiées jeudi par l’Association française de l’assurance (AFA), cette charge devrait en effet s’élever au total à 92 milliards d’euros sur la période 2014-2039. Ce serait presque deux fois plus que les 48 milliards d’euros d’indemnités versées par la profession entre 1988 et 2013.

Dans le détail, le coût cumulé de la sécheresse devrait passer sur 26 ans de 8 à 21 milliards d’euros, « ce qui reviendrait à quasiment tripler la charge annuelle moyenne aujourd’hui constatée », souligne l’AFA. Pour les inondations, la charge prévue devrait doubler d’ici à 2040 pour atteindre 34 milliards d’euros, « Péril émergent pour la France », la submersion marine ajouterait une charge supplémentaire de 4 milliards d’euros pour le risque inondation. Quant aux tempêtes, qui ont été l’aléa naturel le plus coûteux pour les assureurs sur la période 1988-2013 avec un pic à 6,9 milliards d’euros pour Lothar et Martin en 1999, elles devraient occasionner pour 33 milliards d’euros de pertes assurées d’ici à 2040.

Densification

Cette inflation vertigineuse du coût des catastrophes tient d’abord à un effet richesse. Plus le pays se densifie en logements, en entreprises, en équipements publics, plus les conséquences d’un événement climatique sont lourdes sur le plan financier. Au total, calcule l’AFA, ce facteur « enrichissement » va jouer pour 43 % dans les 44 milliards d’euros de surcoût estimé d’ici à 2040. Et la concentration de ces richesses dans des zones vulnérables a aussi des conséquences non négligeables, évaluées à 8 milliards d’euros.

Le changement climatique –  « et notamment les effets d’une hausse des températures » – va, lui, peser pour 30 % de l’augmentation projetée, soit pour 13 milliards d’euros. Comme le souligne l’AFA, il se manifesterait principalement sur le péril sécheresse pour un montant de dégâts supplémentaires estimé à 8 milliards d’euros. Dernier facteur explicatif du surcoût, les conséquences de la variation naturelle du climat devraient s’élever à 4 milliards d’euros.

« Malgré une incontestable mobilisation des pouvoirs publics pour améliorer la cohérence et l’efficacité des moyens de prévention contre les aléas naturels, les assureurs observent sur le terrain des insuffisances dans l’application concrète des politiques de prévention », écrit l’AFA dans son Livre blanc, qui formule 23 propositions d’amélioration. Il est ainsi suggéré d’interdire aux communes non dotées d’un plan local de gestion de crise (plan communal de sauvegarde) l’accès aux ressources du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus connu sous le nom de fonds Barnier.

Plus largement, les assureurs estiment urgent « de rendre plus cohérent et efficace le financement des politiques de prévention ». Ce qui passerait, selon eux, par « une réforme structurelle » du fonds Barnier, « tant du point de vue de sa gouvernance, de ses missions, de son contrôle que de sa maîtrise des dépenses »« Alors que ce fonds a géré un budget de plus de 1,5 milliard d’euros de dépenses depuis sa création (son budget 2015 est de 200 millions d’euros), aucun organe de gouvernance ne le pilote vraiment », déplorent les assureurs.

Soulignant « un déficit d’information et d’alerte du grand public », les assureurs proposent la mise en place d’outils pour améliorer la prévention des risques naturels.

L’autre grand volet de propositions porte sur une évolution du régime des catastrophes naturelles (lire ci-contre), un cheval de bataille pour les assureurs depuis de nombreuses années. 

Laurent Thévenin, Les Echos