Très technique et longtemps confiné à des débats d’initiés, le dossier Solvabilité II a désormais pris une tournure politique. Alors que les assureurs français, à l’unisson de leurs homologues allemands, anglais, belges, espagnols ou italiens, espèrent un recalibrage des futures règles prudentielles européennes du secteur, Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et des Finances, s’est emparé du sujet. « Je serai attentif à la défense de vos intérêts parce ce que sont ceux du financement de l’économie française », leur a-t-il déclaré à l’occasion d’une conférence organisée vendredi par la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA).

Un message qui fait écho à l’avertissement lancé par Bernard Spitz, le président de la FFSA : « Une bonne réforme rendra l’environnement économique plus sûr et favorisera la reprise. Une mauvaise réforme, au contraire, entraverait la capacité des assureurs à faire leur métier. » L’argument est d’autant plus audible que ces derniers ont plus de 1.700 milliards d’euros investis dans l’économie française, dont 56 % sous forme d’actions ou d’obligations d’entreprise.

Preuve de son implication, le locataire de Bercy était déjà monté au créneau en juillet pour obtenir que soit réalisée une étude d’impact sur les mesures « contracycliques » pour les garanties de long terme (rentes, etc.) demandées par le secteur. D’après les assureurs, c’est la condition sine qua non pour corriger la volatilité trop grande des exigences de capital induite par la version actuelle de Solvabilité II selon l’évolution des marchés financiers.

D’abord annoncée pour l’automne, cette étude n’aura finalement lieu que début 2013. Ses résultats, qui devraient être connus à la fin du premier semestre, serviront de base à la reprise et à la finalisation des négociations. Pour Pierre Moscovici, il sera essentiel «  de concilier le respect des exigences prudentielles et la juste reconnaissance du rôle des assureurs comme investisseurs de long terme ». «  Nous allons mener ce débat, et s’il le faut ce combat, pour parvenir à trouver le bon équilibre », a-t-il promis.

Michel Barnier, le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, a également entendu l’inquiétude des assureurs européens. «  Le régime de solvabilité ne doit pas être punitif, mais encourager la bonne gestion des risques », a-t-il tenté de les rassurer dans un message vidéo enregistré, tout en rappelant que «  les principes fondamentaux du cadre de Solvabilité II restent valides ». Pour lui aussi, il est indispensable d’avoir «  un bon dernier calibrage de toutes ces mesures ».

Si le calendrier de l’entrée en vigueur de Solvabilité II reste incertain (lire ci-dessous), «  nous sommes pratiquement au bout du processus », a insisté Michel Barnier, qui appelle à une mise en oeuvre « dans les meilleurs délais ». «  Le mieux est l’ennemi du bien. Il faut trouver une solution pragmatique », a de son côté martelé Karen Van Hulle, chef de l’unité assurances et pensions de la Commission européenne. Dans l’immédiat, les assureurs attendent toujours d’être fixés sur le détail précis de l’étude d’impact.

Laurent Thévenin, Les Echos