Intervista a Philippe Donnet, ceo Generali

L. T.

Le patron français du premier assureur italien, qui a détaillé ce mercredi devant les analystes à Milan son nouveau plan stratégique 2019, expose aux « Echos » ses grandes priorités.
Generali s’est beaucoup transformé ces dernières années. Quelle est votre priorité ?
Avec les deux plans précédents, nous avons mené à bien notre redressement financier et industriel. Nous avons atteint ou dépassé tous les objectifs opérationnels que nous nous étions fixés en 2015, et ce sera très vraisemblablement le cas aussi pour tous les objectifs financiers annoncés au marché. Nous sommes désormais dans une situation de solvabilité et de cash très confortable. Nos coûts et nos ratios de dépenses sont aujourd’hui parmi les meilleurs du secteur. Depuis trois ans, nos résultats sont en croissance régulière. Et nous avons aussi mis fin à des décennies de sous-performance financière. Tout cela fait que Generali est, pour la première fois de son histoire, parfaitement positionné pour saisir des opportunités de croissance. Et je pense que nous avons un boulevard de croissance devant nous !

D’où viendra-t-elle pour un groupe qui reste encore très européen ?
Nous nous appuyons sur de solides convictions qui nous différencient fortement de nos concurrents. Nous sommes ainsi persuadés que l’Europe reste un marché attractif et avec un important potentiel de croissance pour l’assurance des particuliers, des professionnels et des petites et moyennes entreprises. Dans beaucoup de pays, les PME sont encore sous-assurées. Et en Italie, les particuliers ont encore peu de couvertures de prévoyance. Il ne faut pas perdre de vue que l’Europe est un continent riche avec une population qui vieillit, ce qui ouvre donc des besoins d’assurance toujours plus grands. Sans compter que les Etats vont devoir, pour des raisons budgétaires, se désengager de plus en plus de secteurs de la protection sociale pour s’appuyer davantage sur des acteurs privés.

Certains de vos concurrents se tournent, eux, de plus en plus vers l’assurance des grands risques…
Nous allons nous appuyer sur ce qui fait aujourd’hui notre force et notre ADN. Nous sommes déjà le leader de l’assurance des particuliers en Europe par le chiffre d’affaires. Sur les PME, nous sommes le numéro un en Italie et le deuxième assureur en Allemagne, les deux pays d’Europe où il y en a le plus. Nous n’allons pas nous porter davantage vers l’assurance des grands risques ou aller dans la réassurance, car il y a une volatilité importante sur ces marchés.

Où allez-vous investir en priorité ?
Nous allons investir 1 milliard d’euros en trois ans sur les projets de digitalisation de nos forces de vente et de nos processus opérationnels. Nous allons notamment lancer une plate-forme paneuropéenne de gestion de la mobilité pour répondre aux nouveaux modes d’utilisation des véhicules. Nous avons 150.000 agents dans le monde et nous croyons énormément au potentiel de la distribution physique, à condition de la transformer et de la digitaliser. C’est essentiel car il faut arriver à proposer des réponses 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec une capacité de conseil à 360 degrès. C’est la condition impérative pour devenir le partenaire « de vie » de nos clients, qui est aujourd’hui notre grande ambition.

Mais les assureurs ne sont jamais vraiment arrivés à fidéliser leurs clients…
Il est vrai que les assureurs ne s’étaient jamais vraiment préoccupés de la qualité de l’expérience client en se contentant d’avoir une approche produit. C’est pour cela qu’il faut aller vers des solutions davantage intégrées et personnalisées. L’assurance doit passer au-delà de la simple indemnisation des assurés pour intégrer de la prévention et des services.

Comment vous servez-vous des données ?
En automobile, il est, selon moi, important de faire payer les conducteurs sur la base de leur vrai risque mesuré à partir de données enregistrées. Avec deux millions de véhicules connectés en portefeuille, nous sommes déjà le leader de l’assurance télématique en Europe et nous savons donc gérer des tarifs en fonction du comportement. C’est un modèle d’avenir. Les maisons et les PME, avec des capteurs posés aux endroits sensibles, seront également de plus en plus connectées aux assureurs. Il est aussi possible de servir des objets connectés pour aider nos assurés à changer de style de vie, comme nous le faisons déjà à travers le programme Vitality en France.

Comment regardez-vous la situation actuelle en Italie, en tant qu’acteur principal sur ce marché et grand détenteur de dette italienne ?
Je ne suis pas spécialement inquiet des soubresauts à court terme, car les fondamentaux de l’Italie restent sains. Sa balance commerciale est l’une des meilleures en Europe. Sa grande force, c’est qu’elle n’est pas due à quelques grandes entreprises mais à la multitude de PME qui font la force du pays. De notre côté, nous exerçons une activité de long terme et nous avons fait tout ce qu’il fallait pour renforcer la solidité patrimoniale de Generali. Notre ratio de solvabilité nous permet d’absorber des chocs forts sur les « spreads » et les taux d’intérêt. Notre activité italienne est, par ailleurs, extrêmement profitable et en croissance.

Relancé, Generali veut passer la vitesse supérieure
Laurent Thévenin (A Milan)
L’assureur italien vise une croissance annuelle moyenne de son bénéfice par action de 6 à 8 % dans son plan 2019-2021. Il va redéployer jusqu’à 4 milliards d’euros de cash dans la croissance organique ou externe.
Après avoir mené à bien depuis 2012 un important travail de redressement financier et industriel, marqué notamment par la vente de plusieurs activités jugées non stratégiques et la cession en cours de sa filiale d’assurance-vie allemande Generali Leben, le premier assureur italien se dit désormais en mesure « d’accélérer sa croissance ». Son nouveau plan stratégique 2019-2021, dévoilé mercredi, table sur une croissance de son bénéfice par action de 6 à 8 % par an en moyenne pour les trois ans qui viennent.
Une enveloppe importante
Le groupe emmené par le Français Philippe Donnet prévoit de redéployer entre 3 et 4 milliards d’euros de cash dans sa croissance. « Ce n’est pas arrivé si souvent dans notre histoire de pouvoir investir autant dans la croissance », a commenté le directeur général, lors de la présentation du plan devant les investisseurs à Milan. Cette enveloppe servira pour la croissance organique et « éventuellement pour des acquisitions si nous trouvons les bonnes opportunités », a précisé Philippe Donnet. Mais « il n’y a rien sur la table [en matière d’acquisitions, NDLR] », a-t-il affirmé.
Surtout tourné vers les marchés des particuliers, des professionnels et des PME, Generali va d’abord capitaliser sur ses fondamentaux. Son premier objectif est de « renforcer sa position de numéro un » en Europe par le chiffre d’affaires (63 milliards d’euros de primes en 2017). Il s’agit notamment de « consolider notre leadership » en Italie – « le marché le plus rentable en Europe pour l’assurance-vie » – et en Allemagne – Generali y est le deuxième assureur local. En France, sa troisième grande implantation, l’assureur va « bâtir à partir du redressement réussi qui a été réalisé », a précisé Philippe Donnet. Au total, il attend dans ces trois pays, et également en Autriche et en Europe centrale et orientale, une croissance annuelle moyenne de ses résultats de 3 à 6 % entre 2018 et 2021.
La gestion d’actifs, un nouveau moteur
Il va aussi s’appuyer sur des pays « à haut potentiel » en Asie et en Amérique latine, comme l’Argentine, le Brésil, la Chine ou l’Inde. Il y vise une croissance des résultats de 15 à 25 % par an en moyenne. Comme annoncé en mai 2017, la gestion d’actifs – « une activité de plus en plus complémentaire à l’assurance-vie », selon Philippe Donnet – doit aussi devenir un moteur de plus en plus important. « En 2021, nous ne serons plus une compagnie d’assurances, mais un groupe d’assurance et de gestion d’actifs », déclare le dirigeant. Cette activité doit délivrer une croissance annuelle moyenne de ses résultats comprise de 15 % à 20 % entre 2018 et 2021. Cette stratégie doit s’accompagner d’acquisitions « disciplinées », à l’instar de l’opération annoncée en septembre dernier avec Sycomore Asset Management, une boutique française indépendante spécialisée dans l’investissement socialement responsable (ISR).
Generali fait aussi miroiter « un retour plus élevé » pour les actionnaires, avec un rendement des fonds propres (RoE) supérieur à 11,5 % en moyenne sur la durée du plan. Il promet une croissance du dividende avec un taux de distribution compris dans une fourchette de 55 % à 65 %. L’assureur s’est par ailleurs fixé pour objectifs de générer plus de 10,5 milliards d’euros de capital sur la période et de réduire sa dette de 1,5 à 2 milliards d’euros.

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