LAURENT THÉVENIN

BRUCE CARNEGIE-BROWN, LE NOUVEAU PRÉSIDENT DU GRAND MARCHÉ LONDONIEN DE L’ASSURANCE, VEUT ACCÉLÉRER LA MODERNISATION DE CETTE INSTITUTION.
L’homme qui préside depuis juin aux destinées du

Lloyd’s, le grand marché londonien de l’assurance spécialisée et de la réassurance
, se veut pragmatique. Selon Bruce Carnegie-Brown, qui est aussi président du groupe britannique de comparateurs Moneysupermarket.com, cette institution tricentenaire doit, en priorité, s’attaquer à sa structure de coûts.
« Elle est trop élevée. Quand nous nous comparons à nos concurrents, nos résultats techniques sont certes constamment dans le premier quart du marché. Mais si nous y ajoutons notre ratio de coûts, alors nous tombons plus bas », explique-il dans un entretien aux « Echos ».

La modernisation de cette vénérable maison, à la culture papier encore très forte, est donc l’un de ses grands chantiers. « Notre industrie adopte les nouvelles technologies trop lentement. Il y a moyen d’automatiser davantage nos processus. Et nous avons d’ailleurs commencé à le faire, avec la mise en place d’un système de placement électronique », poursuit Bruce Carnegie-Brown, cinquante-sept ans, au long passé dans les services financiers – il a notamment travaillé chez JP Morgan et Marsh.

Alors que l’intelligence artificielle et une exploitation plus poussée des données risquent de « disrupter » la distribution des produits d’assurance et faciliter l’arrivée de nouveaux acteurs, « le Lloyd’s est, en théorie, moins exposé au risque que d’autres, car tant que vous assurez des risques très complexes, il y aura toujours besoin d’intermédiaires. Mais nous devons faire très attention quand même », affirme-t-il.

Nouer des partenariats avec les gouvernements
Le Lloyd’s doit en parallèle répondre à un défi qui se pose à tout le secteur : la toujours relativement

faible pénétration de l’assurance dans le monde
. « La sous-assurance est aujourd’hui une réalité. A chaque catastrophe naturelle, le montant des dommages totaux est toujours bien supérieur à celui des pertes assurées. C’est le cas partout, y compris dans une économie riche comme les Etats-Unis, où il y a pourtant des solutions d’assurance sophistiquées », constate-t-il. Cela veut dire que « l’industrie de l’assurance pourrait faire plus que ce qu’elle fait actuellement. Il faut absolument rappeler l’importance de l’assurance. C’est comme les freins sur une voiture. Si vous n’en avez pas, vous êtes obligés d’aller moins vite », affirme-t-il. La réduction de ce déficit de couverture – désigné par les assureurs et les réassureurs sous le terme de
« protection gap »
– est « une grande opportunité » pour le secteur. Cela suppose, selon Bruce Carnegie-Brown, notamment de « nouer des partenariats avec les gouvernements, d’autant plus que l’urbanisation grandissante fait que l’impact des désastres est de plus en plus lourd », explique-t-il. Le réassureur suisse Swiss Re s’est déjà engagé dans cette voie, avec la signature cet été d’
un partenariat avec la ville chinoise de Dalian
. Il resterait aussi beaucoup à faire du côté des entreprises. « Récemment, j’ai conseillé à une banque qui assurait toutes les vitres de ses fenêtres d’affecter ce budget plutôt à l’achat d’une cyberassurance, car le coût d’une cyberattaque est sans commune mesure avec le remplacement de simples vitres cassées… », illustre Bruce Carnegie-Brown. Interrogé sur l’impact des récents ouragans aux Etats-Unis et dans les Caraïbes sur
les prix de l’assurance et de la réassurance en 2018
, il répond qu’« il y aura en effet des hausses de tarifs pour certaines lignes, au-delà des couvertures « catnat » aux Etats-Unis ». Les ouragans Harvey et Irma devraient coûter 3,9 milliards de dollars au Lloyd’s, tandis que la première estimation de l’impact de Maria est de 900 millions de dollars.
Fonte: