SOLVEIG GODELUCK

LE LABORATOIRE BMS ET LES POUVOIRS PUBLICS ONT TROUVÉ UN TERRAIN D’ENTENTE SUR LE PRIX DE L’OPDIVO, UN TRAITEMENT INNOVANT CONTRE LE CANCER. POUR 8.100 PATIENTS, LA FACTURE TOURNERAIT AUTOUR DE 500 MILLIONS D’EUROS PAR AN.
Une vague de médicaments biologiques ultra-coûteux arrive dans l’Hexagone. On commence tout juste à entrevoir son impact sur les comptes de l’Assurance-maladie. La semaine dernière, le Comité économique des produits de santé (CEPS), placé sous l’autorité de plusieurs ministères, et le laboratoire BMS se sont mis d’accord sur le prix définitif de l’Opdivo, une immunothérapie contre le cancer déjà disponible dans les hôpitaux français depuis la fin 2014. Le prix élevé de cette molécule est l’un des deux principaux facteurs de risque pesant sur le budget du médicament, avec l’universalisation attendue des traitements contre l’hépatite C. Les autres laboratoires à la pointe de l’oncologie, comme MSD dont le traitement Keytruda attend également son prix, vont pouvoir se rendre compte jusqu’où le CEPS veut bien négocier.

Pour une année de traitement, le tarif d’Opdivo s’élèvera à peu près à 60.000 ou 72.000 euros hors taxe en fonction du poids du patient (60 à 70 kilos dans ces deux cas). C’est beaucoup. Mais c’est 30 % de moins que les tarifs pratiqués aux Etats-Unis. Sans compter que des remises secrètes ont été négociées afin de faire baisser un peu plus la facture pour l’Assurance-maladie. Actuellement, il faut payer 66.000 à 79.200 euros pour une année de traitement sous Opdivo en France. BMS devra reverser à l’Assurance-maladie la différence entre le prix qu’il a fixé librement depuis 2014 et le nouveau tarif, remises secrètes comprises, pour solder le passé (si le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 est voté en l’état). L’accord ne comporte pas de clause de performance stipulant que le laboratoire doit rembourser le médicament s’il ne marche pas. C’est un accord classique « prix-volumes », avec des tranches de prix dégressives en fonction des volumes écoulés. La cible n’est pour l’instant que de 8.100 malades en France. « Ce sont tous des cancers métastatiques, ce qui signifie que les malades n’ont plus beaucoup de recours », souligne Dana Vigier, responsable de l’accès au marché chez BMS. Si ces cas sont tous traités, le coût pour l’Assurance-maladie avoisinera 500 millions d’ euros par an, hors remises secrètes. Mais la cible devrait s’étendre. Aujourd’hui, trois indications ont été validées : mélanome métastatique en première ligne, cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et cancer du rein en deuxième ligne.

BMS cherche à obtenir deux autres indications, pour le CBNPC « non épidermoïde », et pour le mélanome en association avec une autre molécule. Cela pourrait donc faire grimper la facture. Enfin, contrairement aux molécules de Gilead contre l’hépatite C, qui ont donné un coup de chaud à la Sécurité sociale en 2014-2015, on n’est pas certain que l’Opdivo, et en général les immunothérapies contre le cancer, peuvent « guérir » le patient au point où il peut arrêter son traitement. « Nous espérons pouvoir transformer progressivement le cancer en une maladie chronique, au début », s’avance prudemment Dana Vigier. Il faut se préparer à payer cher, et très longtemps, pour les immunothérapies.
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