LAURENT THÉVENIN

LES ASSUREURS CHERCHENT À FAVORISER LA COLLECTE EN UNITÉS DE COMPTE. LES CONDITIONS D’ACCÈS AUX FONDS EUROS SE MULTIPLIENT.
C’est plus que jamais la priorité des assureurs-vie. Tous s’emploient aujourd’hui à orienter davantage les épargnants vers les unités de compte (UC), ces supports investis pour partie en actions. Ils cherchent à hâter ce virage, quitte à prendre des mesures vigoureuses. Plusieurs d’entre eux ont ainsi récemment introduit des conditions d’investissement sur leurs fonds en euros, comme l’a relevé le site cBanque, avec l’obligation de mettre une partie des versements sur des UC. Apicil impose ainsi un minimum de 30 % d’investissement en UC.« Il faut marquer un changement d’époque. Compte tenu du niveau des taux d’intérêt, on est presque dans le défaut de conseil si l’on ne propose que du 100 % fonds en euros. Le bon conseil aujourd’hui conduit nécessairement à une allocation beaucoup plus diversifiée qu’auparavant », affirme Renaud Celié, directeur général adjoint finance et performances d’Apicil. Suravenir (Crédit Mutuel Arkéa) vient de mettre en place une contrainte d’investissement à 30 % d’UC pour les versements initiaux ou complémentaires de 250.000 euros et plus sur tous ses produits et ses canaux de distribution.« C’est une manière d’orienter vers les UC, mais aussi d’éviter d’être le réceptacle de gros versements 100 % en euros, qui génèrent à la fois des flux importants à investir et des risques de sortie importants », justifie Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir.AXA peut également mettre un seuil en termes d’UC« sur un certain nombre de souscriptions », notamment pour les tickets supérieurs à 1 million d’euros. « Nous le faisons aujourd’hui au cas par cas. Mais c’est une politique que nous allons étendre demain », annonce Olivier Mariée, directeur des activités d’épargne d’AXA France.

Une autre pratique pour faire bouger les épargnants consiste à jouer sur les frais du contrat.« Nous avons augmenté les droits d’entrée sur nos fonds en euros, alors qu’ils étaient très faibles, voire dans certains cas à zéro. Quand les taux sont bas, il est normal de prélever un peu plus sur les nouveaux versements, car ceux-ci viennent mécaniquement diluer le rendement du portefeuille », explique Edouard Vieillefond, directeur assurance-vie deCovéa (GMF, MAAF, MMA). Le groupe mutualiste a par ailleurs mis la pédale douce sur la communication sur ses fonds en euros et, au contraire, davantage parlé des UC. Résultat, son chiffre d’affaires sur les fonds en euros sera« substantiellement » moins important en 2016 qu’en 2015, tandis que celui en UC va« légèrement » augmenter.

Encourager les transferts
LaMACSF va, de son côté, « différencier les frais sur versements », qui vont être plus élevés sur les monosupports en euros (3 %) que sur les multisupports (1 %). Un moyen d’encourager les transferts Fourgous – c’est-à-dire la transformation d’un contrat monosupport en un contrat multisupport – qui devraient atteindre 1 milliard d’euros cette année chez l’assureur mutualiste.« Pour permettre à nos sociétaires de “fourgousser” en toute sécurité, nous avons par ailleurs réduit la volatilité de nos supports UC composant nos profils multisupports », précise Stéphane Dessirier, le directeur général de la MACSF, qui vise 15 % d’UC dans les encours à horizon 2020, contre 9 % actuellement.

Ces dernières années, plusieurs assureurs ont aussi mis en place des mécanismes incitatifs sous la forme de rendements « bonifiés » pour les fonds en euros quand une part significative de l’épargne du client est investie sur le support UC.« Notre dispositif Bonus Euro + fonctionne bien. Dans certains cas, c’est un déclencheur qui fait franchir le pas à certains épargnants hésitants à aller sur les UC », décrit Olivier Mariée. Mais, au-delà, l’essentiel est, selon lui,« de donner envie aux clients avec des offres variées, qui permettront d’avoir des perspectives de rendement meilleures que le fonds en euros, mais avec une volatilité maîtrisée ». Les assureurs essayent par ailleurs de promouvoir la gestion sous mandat.

Ces stratégies répondent à une double nécessité. Sous les nouvelles règles prudentielles de Solvabilité II, il est en effet devenu beaucoup plus coûteux pour les assureurs – en termes de fonds propres à immobiliser – de vendre des fonds en euros offrant la garantie du capital à tout moment. Avec la persistance de taux d’intérêt très bas, ces fonds euros – composés pour l’essentiel d’obligations – vont par ailleurs continuer de rapporter de moins en moins aux clients. A contrario, les UC sont moins gourmandes en fonds propres et font espérer un rendement plus élevé pour les épargnants.
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