VÉRONIQUE CHOCRON

UNE ENQUÊTE DE LA DGCCRF RÉVÈLE LA MAUVAISE VOLONTÉ DES BANQUES. LES CONTRATS DE GROUPE GAGNENT MÊME DU TERRAIN SELON UNE AUTRE ÉTUDE, LEURS TARIFS COMMENÇANT À BAISSER SENSIBLEMENT.
La réforme de l’assurance-emprunteur, cette couverture souscrite par un client lorsqu’il contracte un prêt immobilier, peine à porter ses fruits. Pour stimuler la concurrence entre assureurs et faire baisser les tarifs, la loi Hamon de 2014 a instauré une période de 12 mois pendant laquelle les clients qui ont souscrit leur crédit peuvent changer d’assureur. Or deux enquêtes viennent démontrer que ces nouvelles règles n’ont pas encore transformé ce marché. La question est d’importance, alors que les parlementaires s’apprêtent à durcir cette réforme, en introduisant dans la loi Sapin 2 la possibilité de résilier l’assurance du crédit tout au long de sa durée de vie.

Des commissions élevées
Une première enquête menée par la DGCCRF sur la liberté de choix de l’assurance-emprunteur, effectuée entre août et octobre 2015, témoigne en effet de la mauvaise volonté de plusieurs banques à appliquer la loi Hamon. Elle met en évidence la commission perçue par les banques sur les contrats de groupe – les contrats collectifs qu’elles proposent aux clients, en même temps que le contrat de prêt. Un des opérateurs interrogés par la DGCCRF indique ainsi recevoir 37 % de commissions sur les primes d’assurances groupes, contre 13,5 % sur les primes d’assurances défensives. Un autre indique avoir reçu 31,7 millions d’euros de commissions en 2014 au titre de l’assurance emprunteur.

Cette étude présente certes quelques limites : elle a été réalisée avant l’entrée en vigueur de textes réglementaires importants et elle ne porte que sur 11 établissements, dont 2 ont fait l’objet de plaintes de consommateurs. Mais le constat s’avère sévère. Les enquêteurs de la DGCCRF ont eu des difficultés à recueillir les données nécessaires auprès des banques, « en raison de leur réticence » ou « du défaut d’enregistrement de certaines informations telles que les demandes de substitution ou les refus de substitution », note le rapport, dont « Les Echos » ont obtenu copie. Le document souligne également que « les demandes de changement d’assurance se situent encore très largement au niveau des agences et/ou des courtiers, qui dissuadent oralement les emprunteurs de changer d’assurance, évitant ainsi une demande officielle ».

Il évoque par ailleurs la possibilité de manoeuvres dilatoires afin de déclarer des dossiers incomplets. Par exemple, chez un opérateur, certains dossiers de substitution sont considérés comme incomplets, alors que les pièces manquantes ne sont pas prévues par les textes d’application de la loi. Les enquêteurs ont encore relevé que la plupart des banques ne respectaient pas le délai légal – de 10 jours – de traitement des dossiers, les délais constatés allant de 14 à 56 jours. En revanche, si un nombre élevé de dossiers sont considérés comme incomplets (entre 30 % et 70 %, selon les chiffres recueillis auprès de six banques), le taux de refus reste faible (entre 12 % et 24 %).

Les consommateurs mal informés
Les établissements bancaires ont toutefois fait des efforts au cours de ces derniers mois. Selon une étude interne menée par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) auprès de banques, d’assureurs, de courtiers, de syndicats et d’associations de consommateurs, 78 % des répondants affirment qu’ils « offrent une meilleure couverture avec une évolution du contenu des garanties » et 69 % « constatent une baisse de la tarification des contrats » depuis que le CCSF a publié en janvier 2015 son avis sur l’équivalence du niveau de garantie en assurance emprunteur. Ces baisses de tarif seraient « fréquentes et ciblées » : « 8 % en moyenne, et parfois de plus de 20 % ». En outre, selon cette enquête encore confidentielle, « 80 % des banques pratiquent des dérogations tarifaires ».

Toutefois, si les contrats s’améliorent, les consommateurs ne font pas jouer davantage la concurrence. Selon les banques, la part des contrats de groupe a encore progressé entre 2015 et 2016. Et pour cause : 38 % des répondants à l’enquête estiment que les consommateurs ne sont pas suffisamment informés et jugent nécessaire de publier un dépliant d’information, sous l’égide du CCSF.

Les différents contrats des banques
Les « contrats groupe » sont la solution classique proposée par les banques. Il s’agit de contrats collectifs, de mutualisation des risques. Ils sont majoritairement souscrits par les clients en même temps que leur contrat de prêt. Une grande partie de la prime est reversée à la banque.

Les « contrats défensifs » sont adaptés au profil du client. Ils sont proposés par la banque en réponse ou en prévention d’un contrat concurrent.
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