A l’aube de la retraite, lorsque l’on atteint l’âge légal et que l’on peut faire valoir toutes ses pensions à taux plein, la question du « travailler plus pour gagner plus » peut se poser avec acuité. C’est le cas des personnes qui ont encore des besoins financiers importants et qui, par exemple, n’en ont pas fini avec les chères études de leurs enfants, se sont récemment lancées dans un investissement immobilier ou doivent assurer l’avenir d’un conjoint ou d’un enfant handicapé. Mais c’est également le cas de ceux qui souhaitent arrondir leurs retraites, histoire d’avoir davantage d’aisance financière temporairement ou à plus long terme.

Dès lors, se pose la question de savoir s’il faut continuer à travailler afin de « surcoter » et donc de booster autant que faire se peut ses pensions ou, au contraire, s’il faut faire liquider tous ses droits à la retraite et recommencer à travailler ? La réponse est loin d’être simple tant elle appelle à passer au crible différents éléments.

Continuer à travailler avec des logiques différentes

Tout d’abord, lorsqu’on est salarié ou fonctionnaire, il faut avoir la possibilité de se maintenir dans l’emploi aussi longtemps que souhaité. Si tel est le cas, cette perspective est de loin la plus confortable : elle suppose peu ou pas de changements professionnels (maintien des horaires et des méthodes de travail…) et aucune modification côté salaires, primes ou avantages sociaux.

Pour Pascale Gauthier, de Novelvy Retraite, « la surcote chez le même employeur ou chez un autre est adaptée aux personnes à la carrière heurtée, car elles continuent à cotiser de façon productive, donc à améliorer leurs pensions à terme ». Si continuer au même poste n’est pas envisageable (plan social en vue…) ou si l’emploi « pèse » trop (impossibilité d’obtenir une certaine autonomie en fin de carrière ou de travailler sur des projets différents), mieux vaut alors faire liquider ses droits, puis basculer vers un cumul emploi retraite, qui sera peut-être synonyme de plage de liberté, surtout s’il passe par un changement de statut professionnel (passage de salarié à consultant, par exemple) ou s’il a vocation à donner naissance à une activité différente.

Surcoter pour un impact financier différé

La surcote, d’une part, et le cumul emploi retraite, de l’autre, ont des effets financiers diamétralement opposés. Avec la surcote, les efforts accomplis ne paient pas dans l’immédiat, mais ultérieurement, uniquement lorsque l’on fait valoir ses droits à la retraite. Pour chaque trimestre civil accompli au-delà de l’âge auquel on a atteint le taux plein, le montant de la retraite de base, avant majorations éventuelles, va s’accroître en effet de 1,25 % : travailler une année de plus par exemple permet donc d’engranger 5 % de majoration à terme. Mieux : ce gain est pérenne et viager. En parallèle, il ne faut pas oublier que la surcote permet aussi d’engranger des points dans les régimes complémentaires (Agirc et Arrco pour les salariés du privé, Ircantec pour les contractuels de la fonction publique, RSI pour les artisans ou les commerçants…), ce qui n’est pas négligeable, car, là encore, il y a un effet valorisant sur les retraites complémentaires à percevoir.

Sans anticiper sur le comportement des générations qui ne pourront faire valoir leurs droits à la retraite qu’à partir de 2019, lorsqu’elles auront atteint 62 ans (personnes nées en 1957 ou après), on peut d’ores et déjà imaginer que, dans les années qui viennent, davantage de salariés s’orienteront vers une surcote d’au moins une année dans le régime de base, histoire de se soustraire aux abattements qui entreront en application (voir page 35) sur leurs retraites complémentaires.

Cumuler retraites et revenus : un bonus immédiat

A l’opposé, le cumul emploi retraite produit ses effets tout de suite, de façon sonnante et trébuchante. Dans le meilleur des cas, lorsque toutes les pensions ont été liquidées à taux plein, les nouveaux revenus peuvent s’ajouter sans contraintes aux retraites, quels qu’en soient les montants : c’est ce que l’on appelle le cumul illimité ou déplafonné. En revanche, lorsque les pensions n’ont pas été liquidées à taux plein ou lorsqu’elles ont été liquidées avant l’âge légal (voir ci-dessous), le cumul est alors limité (ou plafonné).

Pour les salariés, le seuil global à ne pas dépasser (pensions + nouveaux salaires) équivaut soit au dernier salaire brut perçu, soit à 160 % du SMIC mensuel en vigueur (2.332 euros en 2015), si cette option est plus favorable. Pour les indépendants, les nouveaux revenus ne doivent pas dépasser la moitié du PASS (plafond annuel de la Sécurité sociale), ce qui correspond à 19.020 euros en 2015 (dans certaines zones sensibles, ce montant est doublé) et, pour les professionnels libéraux, ils sont limités au PASS, c’est-à-dire à 38.040 euros en 2015. A défaut, les pensions de base sont réduites ou suspendues à hauteur de l’excédent.

 

Côté retraites, et contrairement à ce qui prévalait il y a encore un an, le cumul n’apporte plus aucun droit supplémentaire : si des cotisations retraite doivent bel et bien être payées à des niveaux de taux strictement identiques à ceux des actifs, quel que soit le nouveau statut sous lequel on a choisi d’exercer (salarié, indépendant…), elles ne produisent plus aucun droit (trimestre ou points) dans quelque régime de retraite que ce soit, à de rares exceptions près (médecins libéraux notamment).

Choisir le bon statut

Vient la question du statut professionnel à adopter. Surcoter n’appelle aucun choix ou démarche spécifique : de ce point de vue, c’est l’option la plus confortable. Il en va presque de même si le salarié retourne chez son employeur (un délai de six mois doit être respecté dans le cadre du cumul limité) ou retrouve immédiatement un CDD, dans une autre entreprise par exemple. Les choses sont en revanche moins évidentes lorsqu’il s’agit de créer la structure qui va porter le nouvel emploi. Arnaud Debray, vice-président de l’Ordre national des experts-comptables, indique combien cette phase nécessite de « choisir avec soin le statut juridique et fiscal à adopter au regard de toute une série de paramètres : type d’activité exercée, frais généraux, chiffre d’affaires prévisionnel… ». Pour autant, lorsque le cumul est envisagé « à la carte », comme un bonus qui va venir s’ajouter aux retraites ponctuellement, l’espace de quelques années, et non comme la reprise d’un emploi à temps plein censé être le plus rémunérateur possible, « le régime du microentrepreneur, ex-autoentrepreneur, est de loin la formule la plus simple et la plus souple, notamment pour les activités de consulting », selon Philippe Caré, directeur stratégie RH et rémunération chez Siaci Saint Honoré. A condition bien sûr que le chiffre d’affaires ne franchisse pas la barre des 32.900 euros pour une activité de service, ou celle des 82.200 euros pour une activité de négoce.

Les avantages de la microentreprise

Les avantages de la microentreprise sont nombreux : formalités d’immatriculation simples et gratuites, obligations comptables très allégées (il n’y a, par exemple, pas de déclaration de TVA à effectuer) et absence de paiement provisionnel des cotisations sociales (celles-ci sont calculées a posteriori en fonction du chiffre d’affaires réalisé), sachant que les revenus professionnels imposables sont déterminés après un abattement forfaitaire (34 % par exemple pour une activité libérale) et sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. 

Roselyne Poznanski, Les Echos