Les épargnants peuvent s’y préparer. Sauf exception, leurs contrats d’assurance-vie en euros devraient moins leur rapporter en 2014 qu’en 2013. Si la rémunération des fonds en euros s’érode régulièrement, le décrochage s’annonce particulièrement brutal cette fois. D’après le dirigeant d’une grande compagnie, le taux moyen servi au titre de 2014 pourrait ainsi tomber à 2,50 %, contre 2,80 % pour les taux 2013, 2,90 % pour les taux 2012 et 3 % pour les taux 2011. Selon Cyril Blesson, associé chez PAIR Conseil, « on s’oriente vers une baisse d’au moins 50 points de base » (lire ci-dessous). Un pronostic proche de celui fait par le site Good Value for Money du consultant Cyrille Chartier-Kastler, qui table sur un point d’atterrissage à 2,20 % en moyenne. Ce qui, calcule-t-il, laisserait un rendement net de frais, de prélèvements sociaux et d’inflation d’environ 1,35 %.

Le résultat des courses ne sera pas connu avant plusieurs mois et, comme toujours, les assureurs qui communiqueront les premiers sur le sujet – fin 2014, début 2015 – devraient présenter des taux dans le haut du marché. Mais tout semble effectivement réuni pour conduire à une baisse plus marquée que les années précédentes. 

Les assureurs-vie n’ont en effet quasiment aucune marge de manoeuvre sur le plan financier aujourd’hui. Alors que leurs fonds en euros (qui offrent la garantie du capital à tout moment) sont essentiellement investis en obligations, le niveau durablement bas des taux d’intérêt les pénalise beaucoup. Et ce, d’autant plus qu’il est actuellement difficile de trouver du rendement par ailleurs. Comme si cela ne suffisait pas, les futures normes de Solvabilité II les poussent aussi à acheter de la dette de l’Etat français… « Cette réglementation contraint les assureurs-vie à acquérir davantage d’obligations dans leurs fonds en euros et, de surcroît, des obligations d’un bon rating », souligne Good Value for Money. Autant d’éléments qui pèsent sur les rendements (actuels et à venir) de leurs portefeuilles.

Les assureurs devraient d’autant plus descendre les taux servis pour 2014 que leur superviseur lui-même les y invite fortement. Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, vient en effet publiquement de leur demander «  une baisse significative », vu le contexte de taux d’intérêt. Et comme il l’a précisé mardi dernier encore, la revalorisation des taux pourrait notamment passer « par un lissage dans le temps de la distribution des résultats aux assurés, en dotant la provision pour participation aux bénéfices à un niveau suffisamment élevé ». Ce message très directif a visiblement été entendu. « Nous ne pouvons être que très favorables à cet appel à augmenter nos réserves. Nous devons être capables de faire f ace à toutes les évolutions futures, que ce soit un scénario à la japonaise comme une remontée rapide des taux d’intérêt », explique Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir.

Autre facteur incitatif pour les assureurs : les fonds en euros rapportent encore plus que la plupart des autres placements. « Le niveau de l’inflation et un Livret A à 1 % offrent une opportunité pour baisser les taux un peu plus que l’érosion naturelle. Le fait d’être à 2,50 % ou 2,40 % ne changera pas beaucoup le positionnement concurrentiel de l’assurance-vie », estime Bernard Le Bras. Il n’en reste pas moins que le contexte très concurrentiel du marché de l’assurance-vie bridera sans doute les velléités d’aller trop loin. 

Laurent Thévenin, Les Echos