Des assureurs ont déjà annoncé que leurs tarifs n’augmenteraient pas en 2016 en auto ou en habitation. Avez-vous arrêté les vôtres ?

L’échéance de nos contrats auto est au 1er avril, et nous n’avons pas encore fixé nos tarifs habitation pour le 1er janvier. Mais je pense que ces annonces traduisent la réalité. Nous sommes sur un marché sans croissance, ce qui pousse à être plus agressif sur le plan tarifaire. En outre, le premier semestre a été plutôt clément sur le plan des intempéries même si la multiplication récente de petits événements climatiques finit par coûter cher. Enfin, la loi Hamon [qui permet depuis le 1er janvier dernier de changer d’assureur plus facilement, NDLR] va aussi entraîner une plus grande rotation des portefeuilles.

Ces politiques tarifaires sont-elles tenables sur le long terme ?

2016 sera une année de vérité sur ce plan-là. Dans un environnement de taux bas, de volatilité des marchés et de faibles produits financiers, Solvabilité II va contraindre à être meilleur techniquement. Il y aura donc une prime à l’intelligence tarifaire, ce qui devrait conduire à une plus grande différenciation dans les tarifs. Chez Allianz France, nous avons déjà des centaines de grilles pour l’assurance auto. Et ce processus s’affinera encore . Il y a quelques années, l’assurance-habitation était moins avancée sur ce plan-là, mais nous sommes désormais capables de tarifer à l’îlot ou à l’immeuble.

Il y aura donc une individualisation toujours plus grande des tarifs…

Les meilleurs risques seront en effet mieux valorisés. A contrario, d’autres vont perdre un peu de l’effet mutualisation qui était lié à des tarifs moyens. Et les moins bons risques vont payer plus cher. Cela croise aussi une demande que j’appelle « selfie » : aujourd’hui – et ce n’est pas propre à l’assurance – le client veut non seulement de la transparence et de la simplicité, mais aussi de la personnalisation.

Les objets connectés peuvent-ils vous y aider ?

Avec la télématique embarquée à bord des véhicules, l’idée est évidemment d’arriver à des tarifs liés au comportement du conducteur. C’est surtout un moyen de faire progresser la qualité de notre portefeuille, car les clients qui opteront pour l’installation d’un boîtier auront a priori envie de progresser pour bénéficier d’un tarif préférentiel sur leur prime d’assurance. Cela dit, les objets connectés auront surtout un vrai impact en matière de risques d’entreprise. Ils permettront une amélioration en matière de prévention ou de maintenance. Dans tous les cas, la valeur d’un objet connecté réside dans la solution qu’il contribue à apporter.

En quoi le digital va-t-il changer le modèle des compagnies d’assurances ?

Toutes nos offres aux particuliers sont déjà digitalisées et nous réalisons 30 % de nos contrats Internet via le mobile. Plus de 3 millions de personnes sont aussi venues faire un devis express en ligne, qui permet d’obtenir un tarif d’assurance auto en répondant à 5 questions uniquement. Plus fondamentalement, ce que le numérique entraîne, c’est un pivot de notre modèle opérationnel, qui s’oriente vers la digitalisation et le service client. Les trois clefs du modèle économique de demain reposeront sur l’intelligence technique, la capacité à numériser et à offrir un service client aux standards du digital. En ce sens, le digital nous donne une vraie opportunité de reprendre la main dans notre relation avec le client.

 

A quoi ressemblera la compagnie d’assurances de demain ?

Nous aurons de moins en moins de back-office et de plus en plus de front-office. L’assurance est un véhicule lourd. Pour être rapide et agile, il faut s’alléger, accepter de ne plus tout faire quitte à sous-traiter ou à mutualiser certaines plates-formes. Pour nous y préparer, nous réduisons le nombre de niveaux hiérarchiques dans l’entreprise, en redonnant plus de marge de manoeuvre au premier niveau. Nous réduisons aussi le nombre de produits.

Quels seront vos concurrents dans l’avenir ?

La course ne se joue en réalité déjà plus avec les autres assureurs, mais avec les opérateurs du digital. Il faudra laisser le moins d’espace possible à ces acteurs qui aimeraient se positionner sur la relation client. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la voiture connectée. Les constructeurs et les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont déjà dans le cockpit, alors que les assureurs risquent d’être un peu en retrait. D’où l’intérêt de monter des partenariats avec des constructeurs, comme nous le faisons.

En assurance-vie, les conditions ne sont actuellement pas très favorables. Comment vous y adaptez-vous ?

Comme la situation est bonne en assurance-dommages, nous pouvons nous concentrer sur l’assurance-vie avec résolution. Notre hypothèse est que la période de taux d’intérêt bas va durer. Il faut donc trouver le modèle économique qui convienne, en termes de mix-produit, de rémunération de l’épargne et de distribution. Nous avons déjà réduit le nombre de nos partenaires. Nous avons aussi lancé de nouveaux produits multisupports qui contiennent des garanties de prévoyance. Cela revient à remettre des garanties techniques dans les contrats, donc à passer d’un produit d’épargne à un produit d’assurance-vie, au sens premier du terme. 

Ninon Renaud, Les Echos