La scène, pour le moins inhabituelle, se déroulait lundi matin à Arlington, non loin du cimetière militaire de la banlieue de Washington. Dans les locaux de la FDIC (Federal Deposit Insurance Corp), l’un des régulateurs de la finance américaine, qui garantit entre autres les dépôts des banques américaines. Là, un aréopage totalement improbable s’est livré à un jeu de rôle des plus sérieux : simuler la faillite d’un établissement financier américain ayant de nombreuses activités à la City de Londres et d’une banque britannique très impliquée aux Etats-Unis.

Toute l’élite de la régulation financière américaine et britannique était conviée. Côté américain, le secrétaire au Trésor, Jack Lew, la présidente de la Reserve fédérale, Janet Yellen, le patron de la Fed de New York, William Dudley, le patron de la FDIC Martin Gruenberg. Côté britannique, le chancelier de l’Echiquier George Osborne, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney. L’opération a été montée lundi pour tirer profit de la présence de nombreux régulateurs et responsables britanniques à Washington pour les réunions d’automne du FMI. Le but de l’opération, comme l’a expliqué George Osborne, c’est de « s’assurer que nous sommes en mesure de gérer la faillite d’un établissement qui auparavant aurait été considéré comme trop grand pour disparaître » et aurait donc nécessité un renflouement public. 

Six ans après la faillite de Lehman, les régulateurs veulent se donner les moyens d’éviter la panique qui s’était alors emparée de la finance mondiale. Ce « wargame » ne se jouera pas en temps réel. Pour simuler une crise de cette ampleur, il faudrait faire durer le « jeu » plusieurs jours. Mais c’est la première fois qu’une simulation de ce genre implique des régulateurs aussi haut placés. Des réunions de coordination n’ont jusqu’ici concerné que leurs équipes opérationnelles.

Plusieurs garde-fous à des crises systémiques ont déjà été fixés. La loi Dodd-Frank de 2010, qui est encore en cours d’application outre-Atlantique, donne aux régulateurs de nouveaux pouvoirs pour démanteler une banque en difficulté. Ils seraient autorisés à prendre le contrôle de la maison mère, de transférer ses actifs et une partie de ses dettes vers une nouvelles compagnie « de transition », de manière que ses filiales à l’étranger puissent continuer à fonctionner, le temps de réorganiser la maison mère. En 2008, les diverses filiales de Lehman à l’étranger sont entrées dans des procédures de faillite différentes, ce qui a semé la confusion et stoppé des activités, non seulement pour la banque, mais pour tout le système financier. Ce week-end, sous la pression des régulateurs, les grandes banques du globe se sont par ailleurs mises d’accord pour sécuriser le système financier mondial en acceptant de modifier les règles de fonctionnement du marché de produits dérivés. Concrètement, en cas de défaillance d’un grand établissement, les banques vont mettre en place un délai pour donner davantage de temps aux régulateurs. De nouvelles règles sur les niveaux de dette à long terme des grands établissements doivent être en outre adoptées par le G20 à Brisbane mi-novembre. Le Financial Stability Board a listé les établissements de taille systémique. Les deux faillites qui créeraient le plus de problèmes pour l’économie mondiale seraient celles de HSBC et de JP Morgan. 

Karl De Meyer, Les Echos
Bureau de New York