Le « timing » était presque parfait. En pleine crise politique, la première banque italienne par capitalisation (26,5 milliards d’euros) a annoncé le limogeage de son patron opérationnel par un communiqué diffusé un dimanche soir, peu avant minuit. En conflit ouvert avec le président du conseil de surveillance d’Intesa Sanpaolo, Giovanni Bazoli, depuis plusieurs semaines, Enrico Cucchiani, 63 ans, (ex-patron de la filiale italienne d’Allianz), va être remplacé par Carlo Messina, 51 ans, directeur général adjoint de la banque. A l’origine du départ précipité du patron opérationnel d’Intesa Sanpaolo : un désaccord sur son style de management « solitaire », mais aussi des divergences stratégiques sur la politique de crédit et d’investissement de la banque dans plusieurs dossiers« sensibles » (Telecom Italia, Alitalia, Zaleski…).

« Après une période de crise systémique durable, Intesa Sanpaolo a estimé que le profil optimal pour la prise en charge des fonctions d’administrateur-délégué et CEO est celui de Carlo Messina », précisait hier la banque dans un second communiqué. Mais moins de deux ans après son arrivée pour remplacer Corrado Passera, et à cinq mois seulement de la date de son renouvellement, le départ précipité d’Enrico Cucchiani est surtout lié à un conflit ouvert avec le président historique du groupe. Giovanni Bazoli, 80 ans, proche de la finance catholique et l’un des principaux artisans de la fusion Banca Intesa-Sanpaolo en 2007, est soutenu par les fondations actionnaires (Cariplo, Sanpaolo).

Parmi les facteurs de rupture : les récentes déclarations d’Enrico Cucchiani sur l’épineux dossier de la restructuration de la dette (2,2 milliards d’euros) du financier Romain Zaleski, proche de Giovanni Bazoli. « Il est très difficile de faire rentrer le dentifrice dans le tube », avait-il reconnu, à la mi-septembre, dans une interview, tout en rappelant que les crédits accordés au financier franco-polonais datent d’avant son arrivée.

Conflit de modèle

Mais plus qu’une guerre des chefs : c’est un conflit de modèles, Enrico Cucchiani militant pour une approche de marché, proche de celle de Mario Greco chez Generali. « En réalité, la greffe n’a jamais vraiment pris », estime un proche de la banque. Face à la hausse du volume de ses crédits à risque (29,6 milliards d’euros au 30 juin), Intesa SanPaolo va devoir fermer quelque 632 agences (sur un total de 6.700) sur deux ans. Sous la pression de la Banque d’Italie, elle pourrait aussi devoir revoir son « modèle dual » (à double conseil de surveillance et de gestion) hérité de la fusion de 2007. « Le capitalisme historique italien resserre les rangs », résume un connaisseur du secteur bancaire.

Pierre de Gasquet, Les Echos
Correspondant à Rome