C’est une bataille longue et difficile qui se profile et déterminera l’avenir de la CNP. Le premier assureur-vie français démarrera en novembre les négociations sur les accords commerciaux, mais aussi capitalistiques, qui le lient jusqu’au 31 décembre 2015 avec ses deux grands réseaux distributeurs : les Caisses d’Epargne et La Banque Postale. Or le premier veut changer les règles du jeu. Depuis le renouvellement de ces accords en 2006, l’Ecureuil s’est en effet allié avec Banque Populaire au sein de BPCE et ses intérêts ont évolué.

Selon nos informations, le groupe mutualiste et sa filiale Natixis souhaiteraient ne plus distribuer les assurances-vie de CNP. Natixis Assurances, qui produit dans ses laboratoires les contrats vie du réseau Banque Populaire, a vocation à fournir également les Caisses d’Epargne en lieu et place de CNP Assurances.« On le dit depuis longtemps, l’assurance-vie est un métier stratégique pour le groupe, et nous avons intérêt à maîtriser complètement la chaîne de valeur »,explique une source au sein du groupe bancaire. Cette position serait partagée à la fois à la tête de Natixis et de BPCE. « L’assurance-vie est le seul métier coeur encore sous-traité par le groupe, puisque nous avons mis fin au partenariat sur le crédit à la consommation avec BNP Paribas », note cette source.

Au sein de CNP, les spéculations sur une dénonciation par les Caisses d’Epargne de leur accord de distribution se nourrissent du projet de la direction de la CNP de spécialiser ses deux sites de traitement, Arcueil et Angers. Le principe serait que chacun traite les contrats d’un seul réseau, ceux de La Banque Postale ou de l’Ecureuil. « Pour le moment, les équipes sont intégrées, mais une segmentation faciliterait le départ d’un des deux réseaux », estime une source syndicale.

Un tel projet reste toutefois très compliqué parce qu’il remettrait en cause le modèle économique de CNP. En se désengageant, les Caisses d’Epargne amputeraient l’assureur-vie d’une de ses jambes et le priverait d’un flux important de nouveaux contrats. D’où une perte de valeur substantielle pour ses actionnaires. Or l’Ecureuil détient 18 % de CNP ! « Il faudra donc que le groupe bancaire enregistre une dépréciation importante dans ses comptes », prévient un observateur.

Si BPCE va au bout de son projet, elle pâtira des nouvelles règles prudentielles, car faire de l’assurance-vie en direct sera plus coûteux en capital qu’une simple participation. Le dernier obstacle est politique. Alors que la CNP est le premier contributeur du résultat de la Caisse des Dépôts (360 millions d’euros l’an dernier), «  l’Etat ne laissera pas appauvrir comme cela son bras armé ! », s’exclame une source bien informée. Les pouvoirs publics gardent d’ailleurs la tête froide. «  Il ne faut pas minimiser les postures d’entrée en négociation », observe une source gouvernementale. Une des parties prenantes renchérit : « En chargeant une banque conseil [Rothschild et Cie, NDLR] d’évaluer tous les paramètres d’une sortie, BPCE fait de ce projet une arme de négociation du nouveau pacte d’actionnaires. »

Véronique Chocron vchocron@lesechos.fr et Ninon Renaud