Il governo francese si appresta a presentare in primavera un progetto di legge che generalizza l’ammenda civile. Le aziende hanno paura di derive “americane”. Ma è soprattutto un ulteriore passo nell’indispensabile modernizzazione della legge.

Valérie de Senneville

Le gouvernement s’apprête à présenter au printemps un projet de loi généralisant l’amende civile. Les entreprises ont peur de dérives « à l’américaine ». Mais c’est surtout un pas supplémentaire dans l’indispensable modernisation de notre droit.

Il y a eu les class actions « à la française ». Puis, la réforme du droit des contrats avec l’introduction de la théorie de l’imprévision « à la française ». Plus récemment encore, le « deferred prosecution agreement » (DPA), « à la française », baptisé « convention judiciaire d’intérêt public » (CJIP) qui permet aux entreprises d’éviter le procès en payant une (lourde) amende. Voici bientôt les « punitive damages », « à la française », qui imposeront au justiciable de payer une amende civile s’il a commis une faute « lucrative » (sachant que celle-ci allait lui rapporter plus que la sanction possible). Cela fait maintenant une quinzaine d’années que le législateur français réforme en douceur, mais sans jamais reculer un droit vieux de deux siècles. Il était temps. Confrontés à la mondialisation et aux nouvelles technologies, nos bons vieux réflexes classiques ne laissaient plus beaucoup de chances au droit français de concurrencer d’autres systèmes juridiques. La réforme de la responsabilité civile est le dernier bastion à tomber. L’objectif est toujours le même : moderniser pour assurer une meilleure prévisibilité et accessibilité à ce droit qui concerne particuliers et entreprises dans leur quotidien. Le projet de loi prévoit, à cette occasion, d’élargir considérablement le champ de l’amende civile. Une révolution discrète, mais fondamentale, qui fait peur aux entreprises qui craignent des dérives « à l’américaine ». La responsabilité civile est définie depuis 1804 par un célèbre article du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Cela va de l’arbre qui dépasse de votre jardin et plonge dans la nuit la cour de votre voisin (trouble du voisinage) à la marée noire qui ruine le littoral (préjudice écologique). Dans tous ces cas, le droit français oblige à réparer intégralement le préjudice subi. Mais rien que le préjudice. Pas question de faire un « bénéfice » sur son dommage. En France, c’est le droit pénal qui punit, pas le droit civil. Quel sens donner alors à l’amende civile ? Les juristes connaissent déjà ce type de sanction, en matière de procédure dilatoire, par exemple, le juge pouvant décider d’infliger une amende civile à celui qui a délibérément fait un recours abusif.

Le tabou de la réparation intégrale
Le législateur a cherché à introduire par petites touches l’amende civile en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ou plus récemment, dans la loi sur le secret des affaires de juillet 2018 qui donne la possibilité au juge de prononcer une amende civile pour sanctionner une procédure « baillon » abusive visant à faire taire un journaliste qui enquête. Mais sans aller plus loin par crainte de porter atteinte au sacro-saint principe de la réparation intégrale du dommage. C’est donc à ce monument que la réforme initiée par Jean-Jacques Urvoas, en 2017, alors qu’il était garde des Sceaux, s’attaque : faire de l’amende civile une règle générale, afin de lui donner un effet dissuasif. Il s’agit de « conférer à la responsabilité civile, aujourd’hui essentiellement tournée vers la réparation du dommage, un rôle sanctionnateur, effet d’autant plus renforcé que l’amende civile, contrairement aux dommages et intérêts, n’est pas déductible fiscalement et ne peut être assurable », explique la chancellerie. Le but est de sanctionner ce que les juristes appellent la faute lucrative : celle qui permet d’obtenir « un gain ou une économie supérieure à l’indemnisation du préjudice qui pourrait en résulter », résume le projet. Un calcul qui est souvent fait, par exemple, par les magazines people qui savent que, certes, ils risquent d’avoir à réparer le préjudice subi par telle vedette dont ils auraient publié des photos volées, mais que l’augmentation de leurs ventes à cette occasion viendra largement compenser l’indemnité versée. Désormais donc, en plus de la réparation intégrale du dommage, le juge pourra ordonner à la demande de la victime ou sur sa propre initiative, une amende civile. Pas question pour autant de tomber dans les dérives américaines des « punitive damages » bien connus, comme cette affaire Liebeck v. McDonald’s Restaurants, où la plaignante qui s’était brûlée avec un café trop chaud dans un fast-food s’était vu octroyer 2.700.000 dollars, ramenés à 480.000 par le juge.

C’est cette dérive que craignent les entreprises françaises, comme à l’époque de l’entrée en vigueur des class actions « à la française », dont on voit aujourd’hui qu’elles savent totalement être maîtrisées. « Le texte est entouré de toute une série de précautions, et le contentieux pratique devrait en fait être assez restreint », tente de rassurer Loïc Cadiet, professeur de droit processuel à Paris I. Pour éviter que la victime ne « s’enrichisse » sur la réparation de son dommage, le texte prévoit que l’amende sera versée au Trésor ou à un fonds ou une ONG en rapport avec le dommage. A titre d’exemple : dans l’affaire Médiator, le réquisitoire du parquet évoque la réalisation de plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés grâce à ce médicament mis en vente par les laboratoires Servier et qui aurait fait plusieurs centaines de victimes. Les plaignants – ou le juge – pourraient être tentés, en plus des infractions pénales poursuivies, de demander, au civil, l’indemnisation des fautes commises et son versement à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux Omniam, qui indemnise aujourd’hui les victimes du Médiator. Reste un bémol. Le droit français interdit d’être condamné deux fois sur les mêmes faits (règle du « non bis in idem »). L’amende civile ne crée-t-elle pas une sorte de double peine ? « Il y a clairement un risque de chevauchement », explique Aurélie Ballot-Léna, maître de conférences à l’université Paris-Ouest – Nanterre-La Défense. Le texte devrait être présenté en Conseil des ministres au printemps prochain. Lentement, mais sûrement, le droit français entre (enfin) dans le XXIe siècle.

Les points à retenir
Voici bientôt les « punitive damages », « à la française », qui imposeront au justiciable de payer une amende civile s’il a commis une faute « lucrative » (sachant que celle-ci allait lui rapporter plus que la sanction possible).
Le but est de sanctionner ce que les juristes appellent la faute lucrative : celle qui permet d’obtenir « un gain ou une économie supérieure à l’indemnisation du préjudice qui pourrait en résulter », résume le projet.
Une révolution discrète, mais fondamentale, qui fait peur aux entreprises qui craignent des dérives « à l’américaine »

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