EDOUARD LEDERER

A l’heure de la rentrée, le dossier figure en tête des priorités des grands patrons de la finance en Europe : depuis dix-huit mois, la BCE est parvenue à faire plonger le loyer de l’argent à des niveaux faibles et parfois même négatifs. L’industrie financière se demande désormais comment s’adapter à cette nouvelle donne.
Dans un premier temps, les effets vertueux de cette politique se sont fait ressentir : les banques se sont mises à prêter très bon marché, un vrai bonus pour l’économie européenne. Mais la courbe des taux s’aplatit (l’écart entre taux courts et longs se réduit) et les effets secondaires commencent à se diffuser : les banques génèrent moins de revenus d’intérêt et leur rentabilité est mise à mal.« Jusqu’à présent, la chute des revenus d’intérêt avait été plus que compensée par la hausse des volumes de prêts. Mais ce ne sera plus le cas si la demande de crédit ralentit, ce qui pourrait arriver cet automne », explique Gabriella Serres, analyste crédit chez Aurel BGC. Si le crédit donnait des signes de faiblesse, les banques pourraient tenter d’alimenter la machine par une nouvelle baisse de taux. A en croire les baromètres publiés par les courtiers en crédit immobilier, les banques restent pour l’heure dans cet état d’esprit. Le rebond du « crédit conso » – plus cher et mieux margé – pourrait aussi se poursuivre.
Prélever de nouveaux frais
Les banques françaises devront donc encore accentuer leur recherche de réduction des coûts et d’économies d’échelle, notamment en fusionnant les établissements ou les filiales encore trop petits. Au sein du groupe BPCE, quatre fusions sont en cours ou en projet. Dans le même ordre d’idées, John Cryan, le patron de Deutsche Bank, a appelé mercredi a« plus de fusions, au niveau national, mais également par-delà les frontières nationales » en Europe.
Les établissements de crédit vont aussi chercher à moins dépendre des revenus d’intérêts et prélever de nouveaux frais. Par exemple, facturer les comptes courants, service resté longtemps gratuit pour le consommateur, est devenu la norme ces derniers mois. Plus largement, les banques cherchent à mettre en avant les métiers générant des commissions (vente d’assurance, conseil…).
Autre enjeu de poids, le grand bouleversement des taux bas commence à mordre sur l’épargne des Européens. Signe inquiétant, cet été, une petite banque allemande a même décidé de
taxer les gros dépôts
des épargnants, leur appliquant un taux d’intérêt négatif de 0,4 %. Dans l’assurance-vie, les fonds en euros attirent encore, car leur rendement reste assez attractif, compte tenu des taux faibles. Mais fournir des taux élevés sur de l’épargne sans risque devient mission impossible. En France,« les assureurs doivent faire migrer les ménages du fonds en euros vers les unités de compte [UC, plus risqués et potentiellement plus rémunérateurs, NDLR],pour rester pérennes. Mais cela ne peut pas se faire en coupant brutalement la rémunération du fonds en euros, ce qui serait anxiogène. Le passage vers les UC doit se faire en les rendant attrayants aux yeux d’épargnants, dans l’ensemble peu enclins à prendre des risques. Je serais plutôt sur une action portée sur les investissements des assureurs. Il existe des opportunités extraordinaires d’investissement pour maintenir nos infrastructures, assurer une croissance verte et innover.Cela peut très bien inciter les ménages à porter une part du risque économique », explique Natacha Valla, chercheuse affiliée à la Paris School of Economics.
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