LAURENT THÉVENIN
Pour la première fois en France, un assureur va inciter ses clients à améliorer leur santé moyennant récompense.
Generali
France a annoncé mardi le lancement le 1er janvier 2017 d’un programme de prévention à destination des entreprises et de leurs salariés totalement nouveau. Baptisé
« Generali Vitality »
, ce programme a été bâti avec l’assureur sud-africain Discovery, qui en a déjà fait de même en Afrique du Sud, en Asie, aux Etats-Unis (avec Humana) ou au Royaume-Uni (avec Prudential). Les deux groupes avaient signé un partenariat européen fin 2014. « Nous avons travaillé d’arrache-pied pendant deux ans pour adapter ce modèle à l’Europe continentale », explique Stéphane Dedeyan, directeur général deGenerali France. Generali Vitality a déjà été lancé en Allemagne début juillet.
Programme gratuit
Dans l’Hexagone, ce programme sera proposé gratuitement aux 134.000 entreprises ayant souscrit un contrat de santé et/ou de prévoyance collectif chez Generali France, sans aucune obligation de l’actionner. De même, les salariés seront libres d’y participer ou non. Ceux qui accepteront devront remplir un questionnaire en ligne, permettant de faire un bilan de leur état de santé. En fonction des réponses, ils recevront des objectifs personnalisés (se remettre au sport ou baisser son indice de masse corporelle, par exemple) et des recommandations pour y arriver. En suivant ces préconisations, en achetant régulièrement des fruits et légumes dans l’enseigne de distribution partenaire du programme Vitality, en s’inscrivant à un club de sport ou chez Weight Watchers, par exemple, et, évidemment, en atteignant ses objectifs, le participant gagne des points. Plus il en cumule, plus il obtient des réductions importantes chez un certain nombre d’enseignes partenaires (comme Look Voyages ou la plate-forme de cartes cadeaux Wedoogift.com). Contrairement à l’Allemagne, où Generali Vitality est adossé à des contrats individuels, ce programme ne donnera pas lieu en France à des réductions sur la prime d’assurance.« C’est impossible dans le cadre d’un contrat collectif », rappelle Yanick Philippon, membre du comité exécutif de Generali France, en charge des assurances collectives.
L’assureur affirme aussi qu’il ne s’agit absolument pas d’un outil de sélection médical :« Ce programme est ouvert à tous, quel que soit son état de santé. » Il promet par ailleurs la plus totale confidentialité pour les données personnelles fournies par les salariés.« L’assureur n’y aura pas accès », garantit Yanick Philippon. Quant à l’employeur, il aura des données anonymisées, sans possibilité d’identifier les salariés par recoupement. Aucune information ne sera fournie dans les entreprises de moins de 20 salariés.
Tout l’enjeu pour Generali sera évidemment de faire participer un maximum d’entreprises et de salariés.« Nous serons satisfaits si 20 % des salariés entrent dans le programme et y restent », indique Yanick Philippon. L’assureur attend de ce programme qu’il lui permette de fidéliser ses clients. « Si notre client est satisfait, il restera plus longtemps avec nous, ce qui nous procurera donc des marges supplémentaires », explique Yanick Philippon. L’investissement pour l’assureur se chiffre« en millions d’euros ». Generali France n’exclut pas de décliner un jour ce programme pour les contrats individuels.

L’ombre de l’assurance « pay as you live »

L’assurance au comportement n’en est encore qu’à ses balbutiements en France. Pour l’heure, seuls deux assureurs auto (Allianz France et Direct Assurance) proposent des offres« pay how you drive » permettant aux conducteurs ayant un bon comportement au volant de voir leurs primes baisser. L’assurance santé n’en est, elle, pas encore au stade du« pay as you live », c’est-à-dire du« payez comme vous vivez ». Une compagnie, Generali France, va certes bientôt récompenser des assurés qui s’engagent dans son programme de prévention Vitality pour améliorer leur santé, et cela constitue en soi une première en France. Mais l’assureur ne les récompensera qu’en leur accordant des bons de réduction auprès d’enseignes partenaires (lire ci-contre).« En France, l’assuré est protégé par la loi Evin, qui empêche l’assureur d’utiliser les données médicales à des fins de tarification », souligne Julien Maldonato, directeur conseil industrie financière chez Deloitte. Alors que sa démarche lui avait attiré de vives réactions au début de l’été, Generali France prend par ailleurs bien garde de souligner qu’il n’aura pas accès aux données fournies par les participants et qu’il n’en a pas besoin.
Il n’empêche, le mouvement amorcé par Generali France pourrait préfigurer une nouvelle façon d’envisager l’assurance. Une telle offre« deviendra un standard de marché dans les trois ans à venir, parce que la seule possibilité pour les assureurs de se différencier aujourd’hui sur un marché de la santé très concurrentiel passe par les services. A ce titre, des programmes de prévention active, comme celui annoncé par Generali, peuvent être de bons leviers », estime Olivier Arroua, associé fondateur du cabinet de conseil Selenis.
Pour Julien Maldonato, il faudrait pouvoir aller plus loin encore.« Les assureurs devraient avoir la possibilité de passer à une réelle gestion du risque, avec des conseils individualisés. Ce serait dans l’intérêt de tous. Mais cela doit évidemment s’accompagner de la mise en place de dispositifs de solidarité pour que personne ne soit laissé de côté », anticipe le consultant.
Fonte: