SOLVEIG GODELUCK
Le gouvernement l’a confirmé mardi après­midi : l’objectif national de progression des
dépenses d’assurance­maladie (Ondam) pour 2017 va être relevé à 2,1 %, au lieu du 1,75 %
inscrit dans le plan triennal d’économies du gouvernement (« Les Echos » du 14 septembre). Soit
700 millions d’euros supplémentaires. C’est exactement ce que craignait Didier Migaud, le premier
président de la Cour des comptes. Mardi matin, il avait mis en garde l’exécutif à l’occasion de la
présentation du rapport annuel de l’institution sur la Sécurité sociale :«Relâcher l’Ondam, comme
la tentation pourrait se faire jour, apparaîtrait comme une solution de facilité non exempte de
risques » avait­il déclaré, après avoir insisté sur le fait que l’Assurance­maladie, point noir des
comptes sociaux, pouvait être réformée de façon spectaculaire, comme l’ont été les retraites,
désormais à l’équilibre.
Dans son rapport, la Cour des comptes juge nécessaire de réaliser 6,1 milliards d’euros
d’économies en 2017, pour respecter l’objectif désormais caduc d’un Ondam à +1,75 %, après
3,2 milliards en 2016. Au passage, elle souligne que les objectifs affichés par le gouvernement
pour 2016 et 2017 sont en partie factices, des cotisations sociales des praticiens et médecins
hospitaliers ayant été biffées par un tour de passe­passe comptable. Grâce à ce jeu d’écriture,
540 millions d’euros de dépenses se sont évaporées en 2017 et 810 millions sur deux ans. Leur
réintégration conduirait à afficher un Ondam supérieur de 0,25 point en 2017.
Même relevé, l’objectif sera difficile à tenir l’année prochaine, en raison des nouvelles
dépenses, non prévues dans le plan triennal. La hausse de 0,6 % du point d’indice dans la fonction
publique hospitalière à partir de février va coûter 410 millions en 2017, auxquels il faut ajouter
325 millions dus à l’accord de revalorisation des carrières. Les cliniques réclament, elles aussi, des
moyens pour augmenter leurs infirmiers : l’addition salariale dans le monde hospitalier pourrait être
de 860 millions l’an prochain.
A cela il faut ajouter 400 millions d’euros de revalorisation des médecins libéraux.
« Afin de réaliser effectivement les objectifs d’économies du plan triennal tout en prenant en compte l’effet
des mesures nouvelles, et sans prendre en considération les incidences des négociations conventionnelles avec les autres professions libérales de santé [dentistes, kinésithérapeutes…], ce sont 2 milliards supplémentaires par rapport aux 4,1 milliards déjà programmés qui devraient ainsi
être dégagés en 2017 », écrit ainsi la Cour dans son rapport.
Pour les magistrats, l’Assurance­maladie doit être réformée en profondeur. Son déficit
correspond désormais peu ou prou à celui du régime général de la Sécurité sociale (autour de
5 milliards). Le trou est profond, et il ne se comble pas aussi vite que le gouvernement l’affirme,
souligne la Cour. La baisse prévisible de 1,7 milliard d’euros du déficit en 2016 « intègre, de
manière très discutable, un produit exceptionnel de CSG de 700 millions d’euros, écriture
comptable qui ne correspond à aucune recette supplémentaire», a critiqué Didier Migaud, avant
d’enfoncer le clou : «L’Assurance­maladie devrait conserver en 2016 un déficit lui aussi massif, qui
ne se réduirait en réalité que faiblement par rapport à 2015, une fois retiré le produit exceptionnel
de CSG. ».
On attend désormais la réponse de la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, qui doit
présenter vendredi le budget 2017 de la Sécurité sociale.
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