LAURENT THÉVENIN

EN CAS DE MENACE SUR LE SYSTÈME FINANCIER, LES POSSIBILITÉS DE RACHATS PAR LES ÉPARGNANTS POURRAIENT ÊTRE RESTREINTES. LE
TEXTE DOIT DE NOUVEAU ÊTRE EXAMINÉ À PARTIR DE MERCREDI PAR LES DÉPUTÉS EN SÉANCE PUBLIQUE.
Semaine à fort enjeu pour l’assurance­vie. L’Assemblée nationale va de nouveau se pencher à
partir de mercredi en séance publique sur le projet de loi Sapin II, relatif à la transparence, à la
lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui introduit des dispositions
touchant directement les épargnants. Et pour cause : ce texte veut permettre au Haut Conseil de
stabilité financière (HCSF) de prendre « des mesures conservatoires pour préserver la stabilité du
système financier » ou prévenir des risques menaçant gravement les assureurs. Cet arsenal avait
été introduit avant l’été par un amendement parlementaire après l’article 21bis du projet de loi
(« Les Echos » du 14 juin).
La mesure qui cristallise aujourd’hui toute l’attention stipule que le HCSF puisse, sur proposition du
gouverneur de la Banque de France et après avis du collège de supervision de l’Autorité de
contrôle prudentiel et de résolution (ACPR),« suspendre, retarder ou limiter temporairement, pour
tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le
versement d’avances sur contrat » . Autrement dit les retraits des épargnants pourraient être
limités.
« C’est un amendement funeste, inutile. Il faut, a minima, prévoir dans la loi des clauses pour cas
exceptionnels, comme le licenciement, l’acquisition d’un logement ou l’utilisation de son épargne
pour la retraite, pour lesquels la sentence du HCSF ne s’appliquerait pas »
affirme Gérard Bekerman, le président de l’Afer, la première association d’épargnants française, qui réclame le
retrait, en l’état, de l’amendement. Aujourd’hui, l’ACPR a déjà la faculté de bloquer les rachats
dans une compagnie d’assurances, si les intérêts de ses clients sont susceptibles d’être
compromis.
En l’état, le projet de loi Sapin II donne aussi au HCSF la possibilité de moduler les règles de
dotation et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices (PPB). Or cette réserve
permet aux compagnies d’assurance­vie de lisser les rendements servis aux épargnants sur les
fonds euros. La mesure pourrait donc jouer sur la rémunération de l’assurance­vie, que le HCSF,
comme l’ACPR, juge trop élevée dans l’environnement de taux ultra­bas actuel.
Embarras
Dans l’esprit de Bercy, il s’agit d’avoir un dispositif de protection de l’épargne des assurés. Des
retraits trop massifs, en cas de hausse des taux par exemple, mettraient en effet en péril le
système. L’embarras est perceptible chez les assureurs.« La rédaction est un peu maladroite. Cela
a conduit à inquiéter les clients », « Cette loi a un effet psychologique désastreux »,
pointe le dirigeant d’une des principales compagnies d’assurance­vie françaises. renchérit un
professionnel, tout en reconnaissant la nécessité d’avoir des mesures allant dans le sens de la
protection de la stabilité du système.
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