Cela ne sera sans doute pas la folle ambiance dans les rangs des réassureurs, qui se retrouveront à partir de samedi à Monte-Carlo pour les Rendez-Vous de Septembre (RVS), le grand raout de la profession. Alors qu’ils vont y retrouver leurs clients assureurs et leurs courtiers pour commencer à discuter des tarifs pour les renouvellements de contrats de réassurance au 1er janvier, le contexte ne leur est globalement pas favorable.

Menace sur les prix

Pour les grandes agences de notation, le résultat des courses semble d’ores et déjà certain. Selon elles, les prix de la réassurance, déjà orientés à la baisse lors des derniers renouvellements de janvier, avril-mai et juin-juillet, devraient encore reculer en 2015. Standard & Poor’s, le seul à faire un pronostic chiffré, s’attend au total à un repli de 5 % à 10 %.

L’année ayant été jusqu’ici plutôt calme sur le front des catastrophes naturelles et des sinistres d’origine humaine, les réassureurs n’ont guère d’arguments à faire valoir pour réclamer des hausses de prix, sauf au cas par cas. D’autant moins que l’offre est largement supérieure à la demande. Ces dernières années, la réassurance a vu affluer des capitaux de toutes parts (voir le graphique). « Ironiquement, les résultats opérationnels favorables publiés par le secteur depuis le niveau historique de sinistres de 2011 ont favorisé l’environnement concurrentiel actuel », souligne Fitch.

Cette rentabilité a en effet permis aux réassureurs de renforcer leurs capitaux propres, mais a aussi attiré un certain nombre d’investisseurs. D’où la surabondance de capacités aujourd’hui disponibles sur le marché. Pour ne rien arranger, les réassureurs ont vu les grands assureurs mondiaux, comme AXA (lire ci-contre), acheter moins de couvertures. Dans ce contexte, il sera intéressant de voir les mouvements anticipés par les réassureurs eux-mêmes. Comme chaque année, il faudra cependant attendre encore plusieurs mois pour avoir la photo finale.

Une rentabilité qui pourrait se dégrader

Si le secteur de la réassurance affiche une belle solidité d’ensemble, la pression grandissante sur les prix pourrait remettre en cause ses équilibres techniques. «  Nous restons circonspects sur la capacité moyenne des réassureurs à rester compétitifs dans les conditions actuelles », note Moody’s, qui a assigné une perspective « négative » au secteur. « Il devient de plus en plus difficile pour les réassureurs de dégager des retours qui rejoignent leur coût du capital », abonde Standard & Poor’s (perspective « négative »). Selon S&P, il faut s’attendre à ce que le ratio combiné (l’indicateur qui mesure la rentabilité technique en réassurance dommages) remonte aux alentours de 95 à 100 % cette année, puis entre 98 et 104 % en 2015, alors qu’il tournait autour de 92 % en moyenne sur la période 2009-2013. Le rendement des fonds propres moyen (RoE) devrait s’établit entre 7 et 9 % en 2014 et 2015, contre 14 % sur les cinq dernières années, d’après S&P. Pour Fitch (perspective « négative »), la plupart des réassureurs devraient cependant maintenir leur profitabilité et la solidité de leur bilan dans les 12-18 mois à venir. Les réassureurs les plus grands et les plus diversifiés semblent bien positionnés.

Vers une nouvelle phase de consolidation ?

« Il y a trop d’acteurs, trop de bouches à nourrir. Il faut qu’il y ait de la consolidation », affirmait mercredi Victor Peignet, le directeur général de SCOR Global P&C, lors d’une journée pour les investisseurs organisée par le réassureur français. Mais S&P voit « peu d’opportunités pour des opérations transformantes créatrices de valeur » : « Beaucoup des acteurs de petite et moyenne taille ont des profils assez similaires, ce qui fait que des fusions créeraient plus de doublons que de diversification. » 

Laurent Thévenin, Les Echos