SOLENN POULLENNEC

LE GOUVERNEMENT S’APPRÊTE À APPLIQUER UN PRÉLÈVEMENT FORFAITAIRE À 30 % POUR LES ÉPARGNANTS AISÉS. LES ASSUREURS SUGGÈRENT DE MAINTENIR LE RÉGIME ACTUEL POUR DES CONTRATS SUFFISAMMENT LONGS ET INVESTIS EN ACTIONS.
Cela fait des semaines que les négociations sont serrées. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les assureurs craignent que son projet de « flat tax » sur les revenus de l’épargne ne pénalise l’assurance-vie, un placement souscrit par 17 millions de Français. Ils se sont donc rapprochés des équipes du nouvel exécutif pour tenter d’infléchir le dispositif, dont les contours seront arrêtés dans le projet de loi de finances le 27 septembre. Et ils avancent leurs propres propositions afin que les épargnants détenant des contrats à long terme et investis dans les entreprises continuent à bénéficier d’une fiscalité avantageuse.

Dès la campagne présidentielle
, les professionnels avaient mis en garde contre les effets jugés indésirables du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital. Notamment pour les contrats d’assurance-vie de plus de huit ans : l’imposition passerait en effet à 30 % alors qu’elle n’est que de 23 % aujourd’hui (7,5 % de prélèvement forfaitaire libératoire et 15,5 % de prélèvements sociaux). En revanche, pour les épargnants qui décideraient de sortir de leur contrat avant quatre ans, la fiscalité passerait de 50,5 % aujourd’hui à 30 % demain. « Le risque, c’est que cela diminue la durée moyenne de détention des contrats d’assurance-vie et donc que cela réduise l’investissement en actions », explique le président de la Fédération française de l’assurance (FFA), Bernard Spitz. Un comble à ses yeux alors que l’objectif affiché par Emmanuel Macron est de
« réorienter massivement l’épargne vers l’économie productive ».
Soucieux de préserver l’épargne populaire, le gouvernement a décidé de n’appliquer ce nouveau PFU qu’aux épargnants dont l’encours des contrats est supérieur à 150.000 euros. « Les revenus des versements déjà effectués ne sont pas concernés quels que soient leurs montants », a précisé le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, mercredi. Mais la mesure passe mal auprès des assureurs, alors que l’exécutif s’est engagé à exempter du PFU

l’épargne salariale
ainsi que
le Livret A.
« Un commerçant, un artisan, ou un salarié qui travaille toute une vie pour avoir 150.000 euros sur son assurance-vie a besoin de cet argent pour la retraite, ce changement de fiscalité pourrait le pénaliser », déplore Gérard Bekerman, le président de l’Association française d’épargne et de retraite (Afer). « Complexe pour les assurés, qui devront faire la somme de tous leurs contrats, complexe pour les systèmes de gestion, le projet est peu cohérent avec la volonté du gouvernement de favoriser un financement long de l’économie », regrette-t-il.
Créer une exception
Pour sortir par le haut de cette situation, la FFA suggère de créer une exception. « On pourrait continuer à bénéficier du régime fiscal actuel [NDLR : avec un taux de 23 % pour les contrats détenus pendant plus de 8 ans] à condition d’investir un peu plus longtemps, à 10 ou 12 ans et d’investir davantage en actions », avance Bernard Spitz. Pour les autres contrats, les épargnants seraient soumis à la « flat tax ». Reste qu’avec ce schéma, les épargnants détenant des contrats dont l’encours est inférieur à 150.000 euros pendant moins de 4 ans resteraient imposés à 50,5 % (35 % + 15,5 % et

bientôt 17,2 %
) s’ils optent pour le prélèvement forfaitaire, contre 30 % pour les épargnants les plus aisés. La FFA ne précise pas à ce stade quel niveau minimal d’investissement dans les entreprises pourrait justifier une fiscalité plus avantageuse que la « flat tax ». « L’intérêt c’est d’avoir un taux suffisamment élevé pour que cela bouge les curseurs et suffisamment raisonnable pour convaincre les épargnants », précise Bernard Spitz.
Les spécialistes de la gestion de patrimoine sont également sur leurs gardes. « Si le régime fiscal des contrats d’assurance-vie a été au fil du temps écorné, il pouvait rester intéressant au titre de l’impôt sur le revenu et des droits de succession », souligne Marion Capèle à Banque Privée 1818. « On s’attend à ce que cette réforme change assez fortement la façon dont les contribuables anticipent les investissements patrimoniaux », conclut Nicolas Meurant, avocat chez Taj.

Une imposition à plusieurs niveaux
Les revenus ne sont pas imposables tant que l’épargnant ne touche pas à son contrat.

En cas de retrait, les gains réalisés sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, sauf si l’épargnant opte pour le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL).

Avant 4 ans le taux du PFL est de 35 % (+ 15,5 % de prélèvements sociaux), soit un taux global de 50,5 %.

Entre 4 et 8 ans, le taux est de 15 % + 15,5 %, soit 30,5 % au total.

A partir de 8 ans, le taux passe à 7,5 % + 15,5 %, soit un total de 23 %.
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