C’est une goutte d’eau dans le patrimoine d’AXA. Mais c’est sans doute l’un des actifs auxquels le géant français de l’assurance tient le plus. Le groupe est le propriétaire, en France et à l’étranger, de plusieurs vignobles bien connus des amateurs de (très) bonnes bouteilles, comme Château Pichon Baron ou Château Suduiraut, dans le Bordelais.
C’est sous l’impulsion de Claude Bébéar, son fondateur, qu’AXA s’est constitué ce patrimoine. Epicurien et fin gastronome, le polytechnicien, parti d’une petite mutuelle d’Elbeuf pour bâtir un empire de l’assurance, a aussi réussi à se faire une place dans ce monde très fermé. Après les achats, en 1987, de Château Pichon Baron et du Domaine de l’Arlot, près de Nuits-Saint-Georges, en Bourgogne, ce grand amateur de chasse va multiplier les acquisitions. Plusieurs propriétés de Bordeaux tomberont dans son escarcelle les années suivantes. En 1992, AXA profitera du mouvement de privatisation en Hongrie pour mettre la main sur Diznoko, un grand domaine de Tokaj. L’année suivante, il s’offrira aussi Quinta do Noval, une maison de porto.
Aujourd’hui, l’assureur exploite sept propriétés et 455 hectares, via une filiale à part entière. Son positionnement se veut haut de gamme.« Notre compétence, ce sont les vins exceptionnels », résume Denis Duverne, directeur général délégué d’AXA et président, depuis 2009, du conseil d’administration d’AXA Millésimes, l’entité viticole du groupe. Ainsi, il n’aura gardé qu’une dizaine d’années Mas Belles Eaux, un domaine du Languedoc moins prestigieux que ses autres vignobles, revendu en 2015 et qui aura été sa seule incursion en dehors du luxe.« Les vins ordinaires, sur quinze ans, n’ont pas vu leur prix augmenter alors que les premiers crus ont vu leur valeur multipliée par cinq ou six », fait valoir Denis Duverne. Le portefeuille des actifs viticoles d’AXA s’est apprécié de 7 % par an depuis 1987.
Dirigé depuis seize ans par Christian Seely, un Anglais diplômé de Cambridge et de l’Insead, qui a été l’artisan du redressement de Quinta do Noval après son rachat par l’assureur, AXA Millésimes mène une« politique réfléchie pour chaque propriété ». Ces efforts porteraient leurs fruits :« Nous avons passé un vrai cap en termes de qualité. Notre vin le plus réputé et le plus cher, Château Pichon Baron, a progressé dans les classements depuis quinze ans. C’est un deuxième cru classé, mais il ressort au milieu des premiers crus. Et en sauternes, Suduiraut vient immédiatement après Yquem », se félicite Denis Duverne.
AXA Millésimes écoule 1,6 million de bouteilles par an, en France, mais aussi aux Etats-Unis ou en Grand-Bretagne – ses deux débouchés principaux à l’export -, pour un chiffre d’affaires de 60 à 80 millions d’euros selon les années. En bordeaux, il ne vend désormais plus en primeur que la moitié de sa production et garde le reste en stock pour le revendre plus cher plus tard.
S’agrandir en Bourgogne
« Le rendement régulier n’est pas extraordinaire. La rentabilité reste assez fluctuante du fait de la volatilité des prix et des volumes. En Bourgogne, cela fait quatre ans que nous n’avons pas eu de grande récolte à cause de la grêle et du gel, mais cela fait partie du métier », précise Denis Duverne, qui a lui-même baigné dans cet univers, avec des parents à la tête d’une petite propriété en Bourgogne. Si AXA Millésimes est aujourd’hui rentable,« cette société n’est pas encore en mesure de payer un dividende du fait des réinvestissements importants qu’il faut faire dans certaines propriétés. Mon objectif est qu’elle puisse en verser un », annonce-t-il.
A l’image de ce qu’il fait pour d’autres investissements, AXA pratique «une politique active de gestion de ce portefeuille ». Ce qui l’a, par exemple, conduit à revendre en 2006 Château Cantenac Brown, classé troisième grand cru en Margaux. L’assureur ne cache par ailleurs pas qu’il aimerait agrandir son territoire en Bourgogne, mais« c’est très difficile, les moindres parcelles se vendent aujourd’hui à des prix astronomiques ».
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