Chez Christie’s, on prend la nouvelle très au sérieux. L’une des premières compagnies d’assurances chinoises,Taikang Life Insurance, a révélé mercredi détenir 13,5 % du capital de Sotheby’s. Même si ce nouvel actionnaire a affirmé être en accord avec la stratégie de la maison de ventes aux enchères cotée à Wall Street, il a d’ores et déjà fait part de son intention de siéger au conseil d’administration. Et nul doute que le président de Taikang, Chen Dongsheng, aura sa propre vision. Il est en effet également le propriétaire de Guardian, la deuxième maison de vente de Chine, derrière Poly (dans le giron de l’Etat). Jusqu’ici, les gestionnaires de fonds spéculatifs actionnaires de Sotheby’s – Third Point (11,38 %), Marcato (9,7 %), Point72 (5,5 %) – ont imposé une sévère restructuration. Quant au singapourien Shanda qui détient 2 %, il a obtenu l’autorisation d’accroître sa participation.
Le moment était propice pour Chen Dongsheng car l’action Sotheby’s a beaucoup chuté.« C’est un investisseur avisé, un pragmatique, qui a vu une opportunité de gain et de consolidation, alors que le marché de l’art en Chine devient plus mature », commente Hadrien de Montferrand, galeriste à Pékin et Hangzhou, et consultant exclusif de Guardian.
Le Pinault chinois
Voilà longtemps que l’homme d’affaires scrute les stratégies de Christie’s et Sotheby’s.« Guardian a des ambitions internationales, voudrait s’établir en Europe et cherche à recruter des pointures du marché de l’art européen afin d’y prospecter dans les collections d’art et d’antiquités chinoises », remarque le spécialiste et collectionneur Jean-Marc Decrop. Avec cette participation dans Sotheby’s, Guardian va gagner en respectabilité : rassurer les vendeurs occidentaux qui craignaient de ne pas être payés en Chine et les acheteurs qui s’inquiétaient des faux mis aux enchères là-bas.
Pour sa part, Sotheby’s y trouvera-t-elle avantage ? Pourra-t-elle influer sur la réglementation chinoise qui interdit aux maisons occidentales d’écouler aucune antiquité antérieure à 1949 ?« Chen Dongsheng est aussi l’époux de la petite-fille de Mao, donc c’est intéressant pour Sotheby’s qui a besoin d’appuis puissants en Chine », estime Jean-Marc Decrop. Reste à savoir si cette montée au capital de Sotheby’s est amicale et si la greffe va prendre. Guardian, par son actionnariat, a une culture de long terme, plus proche de Christie’s.
Amateur d’art, Chen Dongsheng est un peu le François Pinault chinois. Il a ouvert en mai un musée dans le Wuhan, soutient un incubateur de jeunes artistes à Pékin et va doter la collection d’entreprise de deux nouveaux écrins.« A Pékin sont en construction un Guardian Art Center et une tour Taikang, où seront exposées les oeuvres », note Hadrien de Montferrand.
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