En attendant la possible création du contrat d’assurance-vie « euro-croissance », les grandes manoeuvres ont commencé pour davantage orienter l’épargne vers le financement des entreprises. Première étape : le lancement aujourd’hui à Bercy du premier fonds de prêts à l’économie.

Baptisé « Novo », il vise à accorder 1 milliard d’euros de prêts aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il est organisé en deux compartiments (Novo 1 et Novo 2), dont la gestion a été confiée à Tikehau et BNP Paribas IP. Aux côtés de la Caisse des Dépôts, qui investit à la fois en propre et via les fonds d’épargne qu’elle gère (Livret A), dix-sept compagnies d’assurances ont souscrit à ce fonds. Ces investisseurs vont miser jusqu’à 10 % du montant du fonds, au fur et à mesure des prêts accordés.

Ainsi, le « ticket » maximal sera de 100 millions d’euros. L’engagement reste donc mesuré à l’échelle d’un acteur institutionnel. On y retrouvera certains des principaux assureurs, dont la CNP, Axa, BNP Paribas Cardif, Crédit Agricole Assurances, Sogecap, Groupama ou AG2R La Mondiale. D’autres acteurs, de dimension plus modeste, participent aussi à l’expérience, comme Neuflize Vie, CCR ou ACM Nord. L’intérêt peut être de bénéficier de l’analyse de risque sur cette classe d’actifs parfois mal connue, assurée par les sociétés de gestion. S’ajoutent enfin le Fonds de réserve pour les retraites, l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp).

Rendu possible par une réforme du Code des assurances – elle-même en cours d’examen au Conseil d’Etat -, Novo va permettre aux compagnies d’assurances de prêter plus simplement aux entreprises de taille moyenne, non cotées. Pour les PME, ce nouvel outil permettra de diversifier leurs sources de financement.«  Les entreprises européennes, contrairement aux sociétés américaines, se financent massivement – à hauteur de 70 % – auprès des banques. Cette proportion atteint 90 %, dans le cas des PME et des ETI. Aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence de chercher des financements au-delà du circuit bancaire traditionnel, ce qui implique une évolution radicale des mentalités de tous les acteurs économiques », explique Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations.

Les entreprises visées sont à court terme relativement peu nombreuses. Avec en moyenne 30 millions d’euros par prêt accordé, seules 30 à 35 ETI pourraient finalement bénéficier de ces prêts Novo sur deux ans, les premiers devant être accordés début octobre. L’univers d’investissement est en réalité plus vaste. Sur les 4.300 ETI répertoriées en France, entre 300 et 400 atteindraient les critères de solidité nécessaires pour ce type de prêt.

Au-delà de ce premier fonds, Novo fera-t-il des émules ? La réforme du Code des assurances prévoit que les assureurs pourraient prêter aux ETI jusqu’à 5 % de leur bilan, qui est de 1.800 milliards d’euros, soit environ 90 milliards d’euros. Mais certains doutent qu’un tel chiffre soit jamais atteint. «  Si les compagnies d’assurances se portent massivement sur cette classe d’actifs, cela signifie mécaniquement qu’elles se seront désinvesties ailleurs », souligne un bon connaisseur du secteur de l’assurance. A moins que ces sommes proviennent pour l’essentiel de la collecte des assureurs-vie. Mais, vu son niveau, elle ne suffirait pas à alimenter de tels volumes. Sur les cinq premiers mois de l’année, la collecte nette s’est élevée à 8,1 milliards d’euros.

Edouard Lederer