MATHIEU COURTECUISSE
La nationalisation de l’assurance-chômage proposée par le président part du constat d’échec de la situation actuelle : une accumulation de dettes, une déresponsabilisation des acteurs et un coût du travail élevé. Pour le président de la République, l’Etat doit donc se réinvestir officiellement dans la gestion de l’assurance-chômage plutôt que d’en assurer les fins de mois en coulisses.

En réalité, ce changement de système va bien au-delà d’une nouvelle gouvernance. Il peut ouvrir une « révolution » profonde si les acteurs acceptent de s’y atteler sans oeillères idéologiques. Plutôt que de s’arc-bouter sur la gestion paritaire d’un régime structurellement déficitaire, les partenaires sociaux seraient mieux avisés de participer à la redéfinition d’une doctrine sociale. Ils peuvent proposer une refonte du système et de ses principes.

Le projet Macron constitue pour les entreprises et les salariés – mais aussi les entrepreneurs individuels et les indépendants – une occasion unique de repenser la distinction fondamentale entre solidarité et assurance, sur un modèle similaire au monde de la santé. La contrepartie logique à la nationalisation de l’Unédic serait donc la création d’assurances complémentaires chômage : relevant d’une logique assurantielle, elles permettraient de renforcer la solidarité pour l’ensemble des travailleurs.

Concernant la solidarité, il faudra d’abord déterminer la part contributive des salaires sur ce volet. L’augmentation de la CSG pourrait permettre de couvrir le financement du régime général. Et par conséquent, les responsables pourraient déterminer le niveau proportionnel de baisse des cotisations associées. La part « solidarité » pourrait aussi couvrir les régimes particuliers que l’Etat souhaite protéger. Ainsi des intermittents du spectacle : pourquoi les financer par les salariés du régime général ? Ensuite, la séparation entre l’assurance-chômage universelle et la complémentaire assurantielle chômage déboucherait sur la création de complémentaires chômage.

Il conviendrait d’en définir les modalités de création et de régulation. Il faudra déterminer si les règles de fonctionnement de ces assurances seront alignées sur l’assurance universelle ou si, au contraire, ces assurances auront un certain niveau d’autonomie pour en fixer les règles d’activation. Auront-elles un montant ou une durée d’indemnisation spécifique ? Quelles seront les conditions de départ et pourront-elles intégrer les démissions comme le prévoit aussi le projet présidentiel ? Poseront-elles des exigences – et des mécanismes de contrôle – en matière de recherche d’emploi ? Voilà un ensemble de questions qui peuvent nourrir le débat public et la négociation sociale.

Il faudrait aussi acter la possibilité de décentraliser au maximum ces choix afin de décliner la vision cible d’Emmanuel Macron sur la nécessaire décentralisation du dialogue social au niveau du terrain. Laisser de l’autonomie au niveau de ces assurances permettrait de fixer les règles assurantielles qui ne peuvent plus se mélanger avec celles de la part solidarité. D’abord, au niveau des branches. Mais aussi au niveau des entreprises : par le biais d’accords négociés, chaque entreprise sera plus responsabilisée : connaissant la réalité du risque chômage dans sa filière, elle devra calibrer le risque pour ses salariés en tenant compte de sa propre attractivité sur le marché du travail.

Sur un plan macroéconomique, il deviendrait possible de transférer, pour l’affecter à ce régime d’assurance, une fraction de la dette existante héritée de l’Unédic. Ainsi, on pourrait réduire, pour une dizaine de milliards, la dette de la France, au sens Maastricht du terme.
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