C’est l’heure de la relâche pour les négociateurs des régimes de retraite complémentaire. Lundi, les partenaires sociaux qui se réunissaient pour redresser l’Agirc-Arrco se sont séparés au bout d’une heure et demie de discussion seulement, sur un constat de désaccord profond. La réunion plénière devait à l’origine permettre de conclure cinq mois de négociations. Elle a débouché sur une date pour se revoir : le 16 octobre. Il y aura tout de même des rencontres bilatérales en juillet.

La lenteur des tractations émeut Jean-Louis Malys (CFDT) : « On voulait travailler en juillet et en août, a-t-il regretté. On n’a pas le couteau sous la gorge, mais le temps presse tout de même. » « On a fait cinq séances où on n’a pas avancé d’un pouce », s’étonne Serge Lavagna (CGC). D’autres commencent à évoquer un dérapage des discussions au-delà de 2015, sans s’en réjouir mais sans s’en formaliser non plus : «  Si on a besoin d’un ou deux mois de plus sur 2016, ce n’est pas la catastrophe absolue, a estimé Philippe Pihet (FO). Il faudra juste être en mesure de définir la valeur du point de retraite pour le 1er avril. »

Ces atermoiements n’ont pas l’air d’inquiéter le Medef. Son représentant, Claude Tendil, a redit qu’il ne cherchait pas un accord à la va-vite, mais une pérennisation des deux régimes structurellement déficitaires. La création d’abattements temporaires sur les pensions complémentaires versées entre 62 et 65 ans est toujours la priorité pour le patronat, afin de retarder l’âge effectif de la retraite. On parvient à « l’équilibre technique si les gens partent à la retraite entre 64 et 65 ans », a souligné Claude Tendil.

Si le Medef ne s’inquiète pas, c’est parce que la pression financière va devenir de plus en plus forte avec le temps, obligeant les syndicats à accepter des mesures difficiles. Si rien n’était fait d’ici à 2018, les pensions Agirc baisseraient mécaniquement de 12 % faute de réserves. Et, en 2019, la situation serait encore plus explosive : les accords AGFF, qui permettent de ne pas subir de décote sur sa retraite complémentaire lorsque l’on part avant 67 ans, arrivent à expiration. En théorie, tous les salariés subiraient dès lors une décote à vie de 22 % en liquidant leurs droits à 62 ans.

 

La CFDT et la CFTC acceptent le principe d’abattements temporaires, à condition qu’ils soient minimes. Problème : FO, dont le rôle est central à l’Agirc-Arrco, coince. Quant à la CGC, elle n’acceptera d’en parler qu’à condition d’obtenir d’abord des garanties sur le sujet qui l’inquiète, la fusion de l’Agirc et de l’Arrco. Cette mise en commun des réserves risque de faire disparaître l’un des seuls déterminants du statut de « cadre ».

Les négociateurs ont donc fait diversion et décidé de créer un groupe de travail sur la gouvernance du futur régime unifié. Placé sous l’égide du GIE Agirc-Arrco, il travaillera pendant l’été. « L’idée de revoir le pilotage est acquise. Le dispositif unique ne fait pas l’unanimité, mais semble en progression », a résumé Claude Tendil. Plutôt que de revoir les paramètres des régimes complémentaires tous les deux ans au cours de négociations marathon, les négociateurs pourraient définir des indicateurs ou des seuils d’alerte (démographie, taux de chômage, croissance). L’Agirc-Arrco s’adapterait ainsi à la conjoncture en se mettant en pilotage semi-automatique. 

Solveig Godeluck, Les Echos