C’est une négociation ardue. L’Etat a décidé de mettre à l’étude le transfert de la gestion des garanties publiques à l’export de l’assureur-crédit Coface vers la Banque publique d’investissement. C’est-à-dire confier à bpifrance le soin de sécuriser les contrats d’exportation de grandes entreprises françaises.

Mais Natixis, le premier actionnaire de Coface, entend faire valoir ses droits, dans une logique patrimoniale. «  Nous sommes dans une phase ou chacun pose ses arguments ; Natixis estime que l’Etat est dans son droit, mais veut être indemnisé pour compenser la perte de valeur subie », indique un proche du dossier. De sources concordantes, Natixis ferait valoir la difficulté d’isoler cette activité et les coûts engendrés par la cession d’une partie du système informatique de Coface. Ce qui justifierait une indemnité substantielle. Pour l’heure, les deux parties ne sont pas encore parvenues à un accord, tant leurs vues sur le montant de cette indemnité divergent.

La filiale du groupe BPCE n’a jamais caché que ces activités d’assureur-crédit ne constituaient pas une priorité stratégique. Après avoir introduit Coface en Bourse il y a un an, la banque envisage en effet de se défaire des 41 % qu’elle détient encore à son capital d’ici à 2017. Mais l’établissement est vigilant quant à la perte de valeur que pourrait entraîner la fin de la gestion pour le compte de l’Etat des garanties publiques à l’export.

Le gouvernement semble désireux d’accélérer le calendrier. Selon nos informations, Bercy entend prendre une décision d’ici à fin juillet. Lancé par Michel Sapin et Emmanuel Macron début février, cette réflexion sur « l’avenir du dispositif des garanties publiques à l’export » devra de toute façon aboutir à la fin de l’année, date de l’échéance de la convention qui régie le mandat confié à Coface. Pour l’exécutif, la mise en musique de ce projet permettrait de conforter le rôle de la Banque publique d’investissement, qui incarne la première promesse de campagne de François Hollande. En effet, pour bpifrance, qui avait déjà accueilli dans ses murs certains représentants régionaux de Coface en 2013, il s’agit davantage d’étendre son offre de services que de générer des synergies avec ses autres activités de crédit, puisque, à la différence de Coface, elle se concentre sur les PME.

Au-delà des arbitrages politiques, le projet pose encore de nombreuses questions opérationnelles. Si ces activités gérées par Coface pour le compte de l’Etat ne pèsent qu’environ 4 % de son chiffre d’affaires – soit 59,9 millions d’euros en 2014 -, elles mobilisent 350 salariés, dont une centaine qui participent également aux activités concurrentielles de l’assureur crédit. Craignant un impact commercial sur les autres activités du groupe, les représentants CFE-CGC et CGT ont décidé d’exercer un droit d’alerte économique fin avril. «  Il y a un enrichissement mutuel des compétences de la garantie publique et privée. Nous venons d’obtenir des contrats de vente d’avions Rafale inespérés, ce n’est pas le moment de déstabiliser l’outil de garantie publique national » , fait valoir une représentante CFE-CGC. A plus long terme, les salariés craignent aussi de voir peu à peu la position de Coface affaiblie à l’international. 

Sharon Wajsbrot, Les Echos