Depuis juin 2014, et une assemblée générale interdite aux médias, Shigehisa Takada fuyait les apparitions publiques. L’homme semblait refuser de faire face personnellement à la terrible crise qui frappe son groupe depuis que ses airbags ont été accusés d’avoir tué au moins huit conducteurs dans le monde et conduit à l’organisation de la plus vaste campagne de rappels de l’industrie automobile.

Déjà près de 40 millions de voitures sont concernées. Jeudi soir, à Tokyo, à l’issue d’une assemblée générale plus animée qu’à l’accoutumée, le dirigeant de quarante-neuf ans, dont le grand-père avait fondé la société en 1933, a accepté, pour la première fois, de s’excuser pour les drames causés par ses équipements.

Se courbant longtemps, regard vers le sol, devant les caméras, le dirigeant a expliqué qu’il était «  désolé de constater que ses produits avaient fait souffrir des gens, alors que le groupe fournit normalement des équipements de sécurité ». «  Je m’excuse pour les gens qui sont morts ou blessés », a marmonné le responsable, avant d’admettre qu’il était toujours dans l’incapacité d’annoncer la fin de cette crise qui dure depuis des années. «  Je suis inquiet, car notre analyse du problème ne progresse pas très bien », a-t-il lâché.

Malgré des équipes dédiées et des échanges avec les constructeurs nippons comme Honda, Nissan ou Toyota, Takata ne sait toujours pas pourquoi certaines cartouches pyrotechniques, qui enclenchent normalement le gonflement contrôlé de ses coussins de protection, ont éclaté brutalement, même lors d’infimes collisions, en projetant des éclats de métal dans le corps des conducteurs ou des passagers.

Si certains experts mettent en cause le gaz propulseur que le groupe utilise depuis le début des années 2000 dans les cartouches de gonflement, Takada dit, lui, qu’il croit à l’influence d’autres facteurs extérieurs sur la capsule, tels que l’humidité ou la chaleur. Il continue d’ailleurs d’utiliser le nitrate d’ammonium dans les coussins qu’il produit actuellement à grande échelle pour remplacer les airbags des véhicules rappelés.

Malgré le mécontentement croissant des constructeurs et des autorités, notamment américaines, Takata devrait, pendant quelques années encore, rester un acteur important du secteur où les capacités de production sont limitées. Il fabrique encore un gonfleur d’airbag sur cinq installés sur la planète. 

Yann Rousseau, Les Echos
Correspondant à Tokyo