Vendredi, le monde de l’assurance était toujours sous le coup de la surprise. En invalidant, la veille, les clauses de désignation qui permettent à une branche professionnelle d’imposer un organisme assureur à toutes les entreprises en matière de complémentaire santé ou de prévoyance, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui va faire couler beaucoup d’encre.

Dans les compagnies d’assurances, les mutuelles ou les institutions de prévoyance, on la décortiquait pour en cerner la portée. Pour Bernard Spitz, président de la Fédération françaises des sociétés d’assurances, cette décision« fera date » : « Juridiquement, parce qu’elle réaffirme la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre en tant que principes fondamentaux. Economiquement, parce qu’elle garantit la liberté des entreprises de choisir leur complémentaire. »

Les assureurs, les petites et moyennes mutuelles, les courtiers, les agents généraux ne cachaient pas leur satisfaction, teintée d’un soulagement perceptible, tandis que la Mutualité française déclarait sobrement « prendre acte de cette décision ». Dans la perspective de la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise, ils jouaient en effet gros en cas de maintien des clauses de désignation. Selon eux, ce mécanisme avantage trop les institutions de prévoyance gérées par les partenaires sociaux.

Le jeu concurrentiel est ouvert

De fait, ce sont ces dernières qui ont été désignées dans la plupart des cas.« On retrouve des conditions d’exercice normales du marché, puisque les clauses de désignation restreignaient de facto l’accès et l’exercice de l’activité à d’autres opérateurs », se réjouit Jacques Richier, le PDG d’Allianz France. Il avait d’ailleurs déposé, fin mai, une question prioritaire de constitutionnalité pour dénoncer les clauses de désignation et celles de « migration » obligeant les entreprises déjà dotées d’une couverture collective à adhérer au contrat de branche. « Le fond du texte est très clair sur la liberté de choix de l’entreprise. Nous comprenons que les entreprises qui n’ont pas encore rejoint un accord de branche ne sont pas obligées de s’assurer auprès de l’organisme désigné »,affirme Pierre François, directeur général des activités prévoyance et santé chez Swiss Life France. Quant aux désignations existantes, elles tomberont les unes après les autres lorsqu’elles arriveront à renouvellement, en 2018 pour les dernières.

Le jeu concurrentiel est donc grand ouvert. Ce qui, selon l’Association pour la promotion de l’assurance collective, fera que « les salariés bénéficieront de meilleures offres ». Du côté du Centre technique des institutions de prévoyance, on s’alarmait des conséquences de la fin d’une mutualisation opérée sur toutes les entreprises d’une branche. « En prévoyance, c’est une très mauvaise nouvelle pour les petites entreprises et leurs salariés, et notamment dans le contexte de l’allongement de la durée d’activité des salariés », déplore Jean-Louis Faure, son délégué général. « S’agissant de la santé, c’est une excellente nouvelle pour les assureurs toutes familles confondues [institutions de prévoyance, mutuelles, sociétés d’assurances, NDLR], mais j’ai peur que ce bonheur soit de courte durée », ajoute-t-il.

Données par beaucoup comme les grandes perdantes de l’histoire, les institutions de prévoyance se refusaient au catastrophisme. « L’essentiel reste que la complémentaire santé va être généralisée. Le marché va s’élargir. Et au final, ce sont ceux qui auront les meilleurs produits qui l’emporteront », soulignait-on dans un groupe de protection sociale.

Laurent Thévenin