Il est connu qu’en période de crise économique les assureurs reçoivent plus de déclarations de sinistres manifestement exagérés ou d’incendies suspects. De fait, la fraude à l’assurance prend une ampleur inquiétante en Europe, d’après une étude menée par le cabinet de conseil Accenture auprès de 44 compagnies d’assurance-dommages. Plus de 70 % d’entre elles déclarent ainsi avoir fait face à une augmentation du nombre de sinistres frauduleux au cours de ces trois dernières années. En moyenne, le nombre de cas a augmenté de 10 % durant cette période.

Plus inquiétant, près de 40 % des responsables des services sinistres interrogés estiment que de 5 à 10 % des indemnisations versées par leur compagnie l’auraient été pour des sinistres de nature frauduleuse, mais qui n’ont pas été décelés faute d’outil adéquat. Un chiffre qui corrobore celui avancé en début d’année par Insurance Europe, l’association européenne des assureurs (« Les Echos » du 12 février). D’après cette organisation, la fraude, détectée ou non, représenterait près de 10 % de la charge totale de sinistres pour les assureurs-dommages.

Ce phénomène galopant représente un manque à gagner considérable pour les assureurs. Selon Accenture, les pertes liées à la fraude atteindraient entre 8 et 12 milliards d’euros par an sur les seules assurances-dommages de particuliers.« Les assureurs européens pourraient économiser plusieurs milliards d’euros par an s’ils disposaient d’outils de détection des fraudes adéquats », affirme Jean-François Gasc, directeur de l’activité de conseil en management d’Accenture dans le secteur de l’assurance. Ce qui est encore loin d’être le cas. « Ils sont encore nombreux à utiliser des technologies obsolètes et des outils d’analyse dépassés, qui les empêchent de répérer les abus efficacement », poursuit le consultant.

Les assureurs interrogés semblent néanmoins avoir pris la mesure du problème. La majorité indique avoir l’intention de mettre en place des initiatives majeures pour contrer la fraude dans les trois prochaines années. Ils sont 76 % à envisager de se doter d’outils sophistiqués, comme des techniques de modélisation prédictive. La lutte contre la fraude passe aussi pour beaucoup de compagnies par « une meilleure collecte des données » (61 %) et par « un plus grand soutien du service informatique » (67 %).

« Il serait bien évidemment illusoire de vouloir réduire à zéro la fraude. En revanche, il est tout à fait possible pour les compagnies qui s’équipent d’outils plus performants de la faire baisser de 1 à 3 points. Et ce sera déjà très bien », estime Jean-François Gasc. Ce qui sera, au final, bénéfique pour le consommateur puisque les assureurs intègrent dans leurs tarifs le coût de la fraude.

Laurent Thévenin