Al’approche de Solvabilité II, les actuaires mettent les pieds dans le plat avec une question volontiers provocatrice mais qui reflète une vraie inquiétude. « Qui sera désigné coupable lors de la prochaine crise financière ? », demandent-ils aujourd’hui lors du congrès de l’Institut des actuaires. Selon eux, il est impératif de clarifier rapidement les responsabilités des uns et des autres, et des professionnels du risque en particulier, sous le régime prudentiel qui s’appliquera au secteur européen de l’assurance à partir de 2013. D’autant que, comme le souligne Christine Lagarde dans un entretien accordé au magazine « L’Actuariel », « en plaçant la gestion des risques au coeur de la conduite des affaires, Solvabilité II positionne les actuaires au centre du jeu ».

« C’est un chantier qui doit précéder la mise en oeuvre de Solvabilité II et être mené lors de la transposition de la directive dans le droit français », estime Fabrice Sauvignon, le président de l’Institut des actuaires. Autant dire que le temps presse : « On imagine que cette question doit être traitée d’ici la mi-2012. »

Code de déontologie

Sur ce terrain, tout reste à faire. « L’article 40 de la directive indique simplement que la responsabilité ultime revient à l’organe d’administration, de gestion ou de contrôle. Mais s’agit-il du conseil d’administration, comme nous le pensons, ou d’un autre organe ? », expose Fabrice Sauvignon. Deuxième problème, pointe-t-il, « Solvabilité II ne parle jamais des mandataires sociaux ». Enfin, le texte bruxellois reste très elliptique quand il évoque le rôle central que joueront dans cette nouvelle gouvernance l’audit, le contrôle interne, la gestion des risques et l’actuariat.

« Les conditions d’exercice de ces fonctions clefs ne sont pas précisées. Les actuaires sont prêts à assumer les responsabilités nouvelles qui vont leur être dévolues à condition que les règles du jeu soient claires et applicables à tous », souligne Fabrice Sauvignon.

L’Institut des actuaires pose un préalable pour protéger la fonction actuarielle et lui donner les moyens de produire un avis autonome. « Il nous semble indispensable qu’elle soit occupée par des professionnels disposant d’un socle minimum de qualification, régulièrement entretenu, et d’une expérience minimale », estime-t-il. Autre proposition, les professionnels du chiffre devront se soumettre à un code de déontologie : « Cela pourrait aller d’un code de bonnes pratiques édicté par l’Autorité de contrôle prudentiel jusqu’à la création d’un ordre professionnel », imagine Fabrice Sauvignon.

Autant de vues que l’Institut des actuaires compte faire valoir auprès de Bercy, des assureurs, de l’Association actuarielle internationale ou de l’Eiopa, l’autorité de supervision européenne des assurances.

LAURENT THÉVENIN, Les Echos