Le dossier des contrats d’assurance-vie non réclamés a fait couler beaucoup d’encre et forcé, plus d’une fois, les parlementaires à légiférer. Il concerne potentiellement un grand nombre de personnes, puisqu’il s’agit de contrats d’assurance-vie dont le souscripteur est décédé mais dont les bénéficiaires désignés de son vivant ne se sont pas manifestés. Il était toutefois difficile jusqu’ici d’avoir un aperçu exact de l’ampleur du phénomène. Selon une estimation faite par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans un rapport rendu public lundi, le stock de ces capitaux dits « en déshérence » s’élèverait, au 31 décembre 2015, à environ 5,4 milliards d’euros pour les 28 principaux assureurs-vie français (représentant 90 % du marché). Mais « le recensement des stocks de contrats non réglés par les assureurs n’est pas totalement achevé, principalement en raison des travaux de récupération et de fiabilisation des données clients dans les systèmes d’information toujours en cours », précise l’ACPR dans ce rapport, qui a été remis au Parlement vendredi.
Les rares chiffrages avancés jusqu’ici dataient d’avant 2014 et étaient plus bas. En 2013, un rapport de la Cour des comptes avait ainsi avancé une estimation de 2,76 milliards d’euros pour l’année 2011. En 2014, la commission des Finances du Sénat avait repris l’évaluation de 4,6 milliards faite par l’ACPR pour 2012. A chaque fois, il était entendu que ces chiffres étaient certainement inférieurs à la réalité. Depuis, « les efforts faits par les organismes pour mieux identifier les contrats concernés ont conduit à une importante réévaluation des stocks de contrats non réglés », explique l’ACPR. Ainsi, l’an dernier, les assureurs ont réglé près de 1,9 milliard d’euros de capitaux en déshérence à leurs bénéficiaires.
Prise de conscience
« La situation apparaît désormais encourageante chez beaucoup d’assureurs. Néanmoins, elle n’est pas encore totalement régularisée, notamment en raison de l’importance des stocks constitués au fil des années », juge l’ACPR, qui exerce depuis 2014 un suivi rapproché sur les 28 principales sociétés. Selon le régulateur, ses différentes démarches, et notamment les sanctions prononcées en 2014 et 2015 contre quatre compagnies d’assurance-vie reconnues coupables de manquements importants, ont « permis une large prise de conscience du sujet » (lire ci-dessous).
Les sommes dues au titre des contrats en déshérence depuis plus de dix ans après le décès de l’assuré ou le terme du contrat doivent désormais être transférées à la Caisse des Dépôts (CDC), conformément à la loi Eckert de 2014. Les reversements à la CDC au second semestre 2016 devraient porter sur environ 1,3 milliard d’euros, selon les estimations de l’ACPR. « Si les assureurs maintiennent leurs efforts de traitement des contrats et de recherche des bénéficiaires […] et qu’ils surmontent quelques difficultés opérationnelles, les reversements à la CDC devraient fortement baisser les années suivantes », écrit le superviseur.
À noter
Selon l’ACPR, les marges de progrès, « en matière de prévention et de traitement des contrats non réglés » portent désormais sur l’assurance collective de retraite supplémentaire et de prévoyance.
Laurent Thévenin, Les Echos
Loi et sanctions
13 juin 2014 Loi Eckert élargissant le périmètre de l’identification des assurés décédés et prévoyant le versement des capitaux en déshérence de plus de 10 ans à la Caisse des Dépôts.
7 avril 2014 L’ACPR inflige une sanction de 10 millions d’euros à Cardif Assurance Vie.
31 octobre 2014 CNP Assurances écope de 40 millions d’euros d’amende.
19 décembre 2014 Amende record de 50 millions d’euros pour Allianz Vie.
25 juin 2015 Groupama Gan Vie condamné à son tour à 3 millions d’euros d’amende.
1er janvier 2016 Entrée en vigueur de la loi Eckert.

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