La pression monte d’un cran. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a une nouvelle fois appelé les assureurs à agir face à l’environnement de taux historiquement bas, mais en employant des termes plus forts que d’habitude. « Les taux bas agissent comme un poison dont les effets sont inéluctables même s’ils n’apparaissent que lentement », a ainsi prévenu Bernard Delas, le vice-président de l’ACPR, à l’occasion de la présentation, lundi, du rapport d’activité 2015 du superviseur de la banque et de l’assurance. « En l’absence de mesures adaptées prises avec une anticipation suffisante, les taux bas deviendront, à moyen et long terme, une menace pour la rentabilité et la solvabilité du marché et feront peser sur les assureurs des risques qu’ils auront de plus en plus de mal à assumer », a-t-il ajouté.

Le marché français n’en est pas encore à ce point. En 2015, il a « confirmé la qualité de ses fondamentaux », a souligné Bernard Delas, avec un « très bon niveau de capitalisation et une bonne capacité à faire face […] à ses engagements ». Par ailleurs, la baisse des taux a même eu un effet favorable, puisqu’elle a fait mécaniquement augmenter de manière « considérable » les plus-values latentes des stocks d’obligations détenues par les assureurs, ainsi que l’a souligné François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et président de l’ACPR.

« Ne pas baisser la garde »

Pour autant, il est « important de ne surtout pas baisser la garde », a insisté Bernard Delas. « Le marché doit impérativement continuer de s’adapter en faisant évoluer son modèle économique et en constituant les réserves dont il pourrait avoir besoin demain », a-t-il martelé. D’où une nouvelle exhortation de l’ACPR à la « modération » en matière de revalorisation des taux servis sur les fonds euros, des supports qui captent toujours l’essentiel des sommes versées sur les contrats d’assurance-vie. Et ce, alors que les obligations entrées aujourd’hui en portefeuille rapportent moins que les taux servis aux épargnants.

« Dans une perspective de moyen long terme, il n’est pas raisonnable de laisser penser aux épargnants qu’ils peuvent espérer bénéficier durablement à la fois de la garantie du capital investi et d’une rémunération excédant de 2 à 3 points le niveau de l’inflation », a fait valoir Bernard Delas. La rémunération servie par les fonds euros est certes à la baisse depuis des années, mais la descente se fait de manière graduelle. Ces supports ont ainsi encore rapporté en moyenne 2,3 % au titre de 2015, contre 2,5 % pour 2014 et 2,8 % pour 2013. Compte tenu de l’inflation qui a été nulle l’an dernier, leur rémunération a été en réalité plus élevée qu’en 2014.

Dans ce contexte, « j’encourage les pouvoirs publics et les professionnels à poursuivre leur réflexion en matière de réorientation de l’épargne, notamment via le développement de nouveaux produits d’épargne de long terme, répondant à la fois à l’environnement de taux bas et aux perspectives de long terme des ménages », a déclaré François Villeroy de Galhau « Pour permettre leur développement, il conviendrait, à tout le moins, d’éviter des distorsions fiscales au détriment de ces produits par rapport à l’épargne liquide et sans risque », a-t-il glissé.

Laurent Thévenin, Les Echos

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