C’est un constat choc. D’après une étude réalisée par YouGov pour Mercer auprès de 1.003 salariés du privé, près d’un tiers d’entre eux ont renoncé à des soins sur les douze derniers mois pour des raisons financières. C’est davantage le cas chez ceux qui ne bénéficient pas d’une complémentaire santé d’entreprise (37 %) et chez les « CSP- » (34 %). Mais 28 % des salariés couverts par un contrat collectif obligatoire ont aussi déjà dû faire un tel choix.

Ces résultats sont d’autant plus frappants dans le contexte actuel. La complémentaire santé d’entreprise est en effet prise sous plusieurs feux : fiscalisation de la part patronale des cotisations, dont les salariés se rendront compte sur leur feuille d’impôt, généralisation des contrats collectifs à tous les salariés du privé d’ici au 1er janvier 2016, projet de plafonnement des remboursements des frais d’optique. « Cet ensemble de mesures va bouleverser l’approche des employeurs en matière de protection sociale complémentaire », insiste Vincent Harel, directeur du département des particuliers et des petites entreprises chez Mercer, qui évoque «  un risque de nivellement par le bas »« On le voit déjà sur les entreprises qui s’équipent aujourd’hui », explique-t-il.

Beaucoup d’opérateurs s’attendent ainsi à ce que les entreprises qui seront bientôt obligées de cofinancer une complémentaire santé à leurs salariés optent pour le « panier de soins » prévu par la loi, c’est-à-dire un socle de garanties minimales. « Plus largement, les employeurs vont se poser la question de l’efficience du financement de la couverture santé. Si leurs salariés sont in fine taxés, n’auront-ils pas intérêt à leur financer d’autres dispositifs ou à leur verser l’équivalent en salaire ? » souligne Vincent Harel.

Interrogées sur le sujet, la majorité des personnes déjà couvertes préférerait le maintien de la contribution employeur plutôt qu’une augmentation de salaire équivalente. Mais si leur employeur baissait finalement sa participation, ils seraient 61 % à opter pour une hausse de salaire en contrepartie. Un quart des sondés seraient favorables à une participation de leur employeur au programme d’épargne salariale de leur entreprise ou au versement dans un plan de retraite supplémentaire.

Dans tous les cas, le baromètre de Mercer « confirme l’attachement des Français à leur complémentaire : ils ne sont pas prêts à sacrifier la qualité des garanties, qui reste leur premier critère de choix », comme le relève Vincent Harel. En cas de baisse des remboursements par leur mutuelle pour les frais d’optique ou dentaires, 40 % des personnes interrogées prendraient une surcomplémentaire santé. Ce qui devrait conforter les assureurs dans le succès prévisible de ces couvertures additionnelles amenées à fleurir dans les prochains mois.

Laurent Thévenin