Par Edouard Lederer

C’est un nouveau moyen de se financer pour les entreprises françaises de taille intermédiaire (ETI). Trop petites pour émettre des obligations sur les marchés, certaines se tournent vers les placements privés euros (Euro PP). Compte tenu du contexte financier, ce marché pourrait faire florès. «  Il pourrait à terme fournir aux ETI une partie non négligeable des 6 milliards d’euros de financements que ce type d’emprunteurs lève chaque année », confirme Hugues Delafon, responsable « debt capital markets » chez Crédit Agricole CIB. Il s’agit de financements bilatéraux, obtenus auprès d’un investisseur unique ou en nombre limité. L’emprunteur ne disposant souvent pas de notation crédit, c’est à l’investisseur d’évaluer sa solvabilité. Celui-ci conserve par ailleurs généralement les titres de l’entreprise jusqu’à leur échéance, ce qui les rend en pratique non liquides. A terme, environ 300 entreprises pourraient être concernées.

Harmoniser les pratiques

Du côté des prêteurs, se trouvent en particulier des assureurs. Leurs contraintes prudentielles les conduisent à réduire leurs investissements en actions et à diversifier leurs sources de rendement. Parmi les acteurs souvent mentionnés figurent par exemple AXA ou Crédit Agricole Assurances. «  A fin 2012, nous avons placé 1,7 milliard d’euros sur ce type de titres, auprès d’une vingtaine d’émetteurs. Durant cette année, nous avons représenté plus de 50 % du marché, une part vouée à diminuer », explique Christophe Aubin, directeur adjoint des investissements de Crédit Agricole Assurances. «  Ce type d’acteur peut sans difficulté co-investir dans un projet à 200-250 millions d’euros  », précise Guy Silvestre, « managing director » au sein du département « global capital markets » chez SG CIB. Les banques peuvent aussi être présentes sur des prêts dont elles prennent une part minoritaire.

Concrètement, les sommes empruntées ces derniers mois en France varient de 15 millions à environ 300 millions d’euros. Les prêts consentis s’étendent entre 5 et 7 ans, avec des taux d’intérêt de 2,75 % à 4,6 % dans les dernières opérations. «  Ce sera toujours un peu plus cher qu’un emprunt bancaire, car l’investisseur applique une prime d’illiquidité », explique Guy Silvestre.

Pour se développer, le marché d’actifs devra cependant encore mûrir. «  Les assureurs vont peu à peu gagner en compétence d’analyse pour ce type d’émetteurs. Le marché pourrait devenir plus fluide. Ces deux derniers éléments pourraient conduire à une réduction des primes de risque exigées par les investisseurs », estime Christophe Aubin.

Les pratiques de marché devront aussi être harmonisées. Différentes réflexions de place sont en cours, cherchant notamment à standardiser la documentation juridique. Surtout, le Code des assurances devrait être modifié afin de permettre aux assureurs de prêter plus facilement à des entreprises ni notées ni cotées. Actuellement, elles investissent soit en direct, soit via des fonds gérés par des sociétés de gestion. La réforme envisagée permettrait de rendre le mécanisme un peu plus fluide. Il devrait aboutir avant l’été, selon Bercy.

Edouard Lederer