Face au scénario d’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, les directions des banques et des compagnies d’assurance françaises sont désormais sur le qui-vive, mais ne veulent pas s’affoler. « Il n’y a plus aujourd’hui un seul comité exécutif de banque qui ne réfléchisse pas à la question, assure un responsable d’un grand établissement français. Tous ont demandé à leur comité des risques de se pencher sur les conséquences d’un tel scénario et des équipes spécialisées y travaillent. » Si les banques françaises sont en retard par rapport à leurs consoeurs anglo-saxonnes, ce sont en fait les difficultés de la Grèce à former un nouveau gouvernement et la réticence de la population à accepter les plans de rigueur qui ont relancé les inquiétudes ces dernières semaines. La peur vise surtout l’effet de contagion qu’un tel événement pourrait avoir sur l’Europe, les banques ayant déjà considérablement réduit leurs risques liés à la Grèce.

Prévoir sans affoler

« Dans chaque banque, il y a des dispositifs pour analyser les situations de crise », assure un banquier. Le régulateur français (l’Autorité de contrôle prudentiel) n’aurait toutefois pas formulé de demandes spécifiques en ce sens. Les comités des risques sont d’abord chargés d’évaluer les probabilités de réalisation des risques. Les institutions financières ne divulguent aucun chiffre sur les hypothèses retenues mais toutes assurent qu’une sortie de la Grèce de la zone euro n’est toujours pas leur scénario central. Un fait corroboré par les analystes qui se sont eux aussi pris au jeu des probabilités. La semaine dernière, par exemple, Credit Suisse évaluait à 20 % la probabilité d’une sortie de la Grèce de la monnaie unique.

Ensuite, ces comités des risques sont chargés d’évaluer l’impact financier d’un tel événement. Toutes sortes de questions y sont posées : quel serait l’impact d’un défaut de paiement des entreprises grecques ? Pouvons-nous résister à une fermeture totale du marché interbancaire ? L’Espagne ou l’Italie pourraient-elles sortir à leur tour ? Quel impact sur la croissance européenne ? « Nous regardons la situation de la Grèce tous les jours », déclarait récemment Jean-Paul Chifflet, le directeur général de Crédit Agricole SA. Avec sa filiale locale Emporiki, le groupe est l’établissement français le plus exposé. « Je ne connais aucun groupe qui serait mis en difficulté par un scénario extrême sur la Grèce », assurait en tout cas mi-mai Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.

Quant aux assureurs, ils s’appliquent surtout à faire évoluer leur gestion actif-passif et à « renationaliser » les portefeuilles de dettes. « Nous cherchons a être de plus en plus adossés aux pays dans lesquels sont souscrits les contrats, expliquait en février le directeur général de CNP Assurances, Gilles Benoist. Nos clients italiens, s’il y a des problèmes sur la dette italienne, ne nous en voudront pas si nous avons acheté de la dette italienne ; même chose pour la France. Cela explique nos achats relativement intenses de dette française. » AXA s’est également mis en situation de faire face au choc qu’entraînerait une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro en adoptant la même politique. Toute la difficulté réside dans la capacité à prévoir les risques, sans affoler la population.

R. R. et L. T.