L’épargne française reste trop peu investie dans les entreprises

Les placements financiers des assureurs ne sont toujours que très peu dirigés vers les actions. La part des banques dans l’endettement des entreprises s’est stabilisée à un niveau élevé, autour de 60%.

Les années passent, le constat demeure. D’un côté, les Français épargnent beaucoup – ils sont même les vice-champions de la catégorie en Europe – mais ils privilégient les placements les plus liquides et les moins risqués. Ils rechignent donc à investir directement ou indirectement (au travers de fonds ou de contrats d’assurance-vie) en actions. De l’autre, les entreprises se financent certes sans difficulté par de la dette (via un crédit bancaire ou une émission obligataire), mais elles peinent justement à lever des fonds propres.

« La part de la dette est très supérieure à celle des fonds propres dans le bilan de nos entreprises », remarquait récemment Anne Le Lorier, sous-gouverneur de la Banque de France, lors d’une conférence consacrée à l’orientation de l’épargne vers les entreprises. Or, dans une économie avancée ou vieillissante – telle que la nôtre -, les entreprises doivent innover pour se développer, et « la banque n’est pas le canal le plus adapté » pour y parvenir, souligne-t-elle. Le crédit bancaire va, de fait, souvent avec des prises de garantie physiques, incompatibles avec le financement de l’innovation, par définition immatérielle.

Pas de «désintermédiation»
Deux statistiques publiées mercredi par la Banque de France témoignent une fois de plus de cette préférence française pour la dette en général, et la dette bancaire en particulier : une première touche aux placements financiers réalisés par les sociétés d’assurance françaises. Les flux de titres de capital ont certes totalisé près de 75 % des investissements nets au dernier trimestre 2016. Mais, à fin décembre, ils ne représentaient toujours qu’un petit 8 % des 2.522 milliards d’euros des placements financiers des assureurs.
Autre chiffre parlant, le grand mouvement de « désintermédiation » tant annoncé depuis la crise financière, n’a eu jusqu’à présent que des effets limités. La part des banques dans l’endettement des entreprises tournait autour de 70% des encours avant crise. Elle s’est stabilisée à niveau élevé, autour de 60% en février 2017. C’est peu ou prou la proportion inverse de celle observée outre-Atlantique.

De nombreux chantiers
Comment faire évoluer les comportements? « Il y a un nombre de facteurs qu’on ne peut faire varier qu’à moyen et long terme », a souligné Anne Le Lorier lors de la conférence. De fait les chantiers sont nombreux: parmi les points évoqués, améliorer la culture financière des ménages, réformer les produits d’épargne réglementés (Livret A, PEL…) dont la rémunération n’est pas « sensible aux taux de marché », réformer la fiscalité de l’épargne, mais surtout imaginer de nouveaux produits d’épargne.
Un véritable graal de l’épargne, que les pouvoirs publics pensaient avoir découvert ces dernières années en inventant l’« euro-croissance ». Mais ce nouveau produit d’assurance-vie, conçu comme une voie médiane entre le fonds euros (à capital garanti) et les unités de compte (qui ne donnent pas la garantie du capital, mais font espérer un rendement plus élevé), n’a pas rencontré de succès massif. L’environnement de taux bas est, il est vrai, venu percuter de plein fouet son démarrage.
« Trouver le bon produit est difficile car il faut réconcilier les attentes des épargnants en matière de rendement, de risque, et de liberté minimale d’entrée et de sortie de ce placement avec les besoins des entreprises en fonds propres » tout en ayant à l’esprit la stabilité financière, détaille Anne Le Lorier. Une feuille de route pour les autorités peut-être, mais aussi pour le secteur financier invité à faire preuve d’innovation.
@EdouardLederer

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