Les marchés financiers ont un rôle clef à jouer dans la transition vers une économie décarbonée et résiliente aux effets des dérèglements climatiques. Longtemps peu mobilisés – à l’exception de quelques investisseurs de long terme (fonds de pension et assureurs), et aussi les premiers à mesurer depuis des années les impacts potentiellement destructeurs des dérèglements climatiques -, une part croissante des acteurs financiers s’engagent désormais dans le financement de cette transition. Les investisseurs ont beaucoup à gagner s’ils anticipent la transition vers un modèle de développement décarboné, en investissant dans les infrastructures, les énergies renouvelables, l’innovation technologique. Et beaucoup à perdre, en raison des potentiels impacts des dérèglements climatiques, si rien n’est fait pour les maîtriser et en raison des risques liés à la potentielle dépréciation des actifs carbonés – en particulier des énergies fossiles – sous l’effet de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le calcul coûts-bénéfices pour les investisseurs est donc clair : c’est pour cette raison qu’un certain nombre d’acteurs financiers se sont engagés, sous des formes diverses (calcul de l’empreinte carbone, émissions d’« obligations vertes », désinvestissement des énergies fossiles ou financement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique…), à soutenir, voire à dépasser les objectifs pris par les Etats lors de la COP21. C’est dans cet esprit qu’a été conçu l’Accord de Paris, et pour cette raison que la présidence française de la COP21 a dépensé autant d’énergie à mettre la question du climat à l’agenda du G20. Pour la première fois, la question du climat est désormais à l’agenda des instances de décisions économiques et financières.
Mais pour s’engager intelligemment dans la décarbonisation de leur portefeuille et accompagner la transition vers une allocation d’actifs compatibles avec une hausse des températures de 2 °C, encore faut-il que les investisseurs disposent de l’information pour mesurer ce risque. Un nouveau pas a donc été franchi en décembre 2015 avec la création de la Task Force on Climate-related Financial Disclosure (TCFD). Initié par le G20 et le Conseil de stabilité financière (FSB), présidé par M. Bloomberg, le TCFD réunit investisseurs, industriels et experts. Il a pour mission de proposer aux entreprises un cadre cohérent pour diffuser leur stratégie face au risque climatique, leur plan d’action et leurs investissements. La Task Force travaille à définir comment toutes les entreprises doivent informer les acteurs financiers de leur exposition et contribution au risque climatique du fait de leurs activités. Beaucoup a déjà été fait pour faciliter ce partage d’informations, mais les quelque 400 cadres et recommandations qui coexistent au sein de l’OCDE, par exemple, n’ont pas atteint tous leurs objectifs. Certains actifs (non-cotés, immobilier, infrastructures) sont souvent peu concernés par ces réflexions.
Après trois mois de travail, la Task Force a remis, ce 31 mars, un premier rapport d’étape au FSB. La plus haute instance de régulation financière mondiale tient entre ses mains les prémices des recommandations que la TCFD compte proposer d’ici à fin 2016. La TCFD y annonce ses objectifs, ses principes d’une information efficace et interpelle les parties prenantes. Elle engage ces dernières à participer, du 1er avril au 1er mai, à sa consultation publique en ligne. Les solliciter concrétise la volonté de la Task Force d’engager un processus transparent. Les investisseurs français, par exemple, y trouveront un soutien pour appliquer l’article 173 de la loi de transition énergétique leur imposant plus de transparence sur leur empreinte carbone.
L’enjeu est de faire de tous les décideurs économiques et financiers des alliés pour progresser vers une économie bas carbone qui maintienne le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C.
Laurence Tubiana , est ambassadrice pour les négociations internationales sur le changement climatique.
Laurence Tubiana et Christian Thimann

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