Le constat est dressé en termes choisis. Mais l’avertissement n’en est pas moins explicite : pour le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF, instance réunissant le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque de France et les différentes autorités financières), les grands investisseurs, fonds spécialisés, mais surtout les compagnies d’assurances – tous très friands de bureaux, commerces et entrepôts – doivent mieux se protéger contre un retournement des prix. « Le contexte actuel de forte demande et de valorisation excessive apparaît plus particulièrement propice à l’émergence d’un épisode d’emballement pouvant pousser certains acteurs à réaliser des opérations à risque tant en termes de viabilité que de pratiques d’endettement », prévient le Conseil dans une note publiée vendredi. De fait, pour cette instance, l’immobilier commercial français pourrait actuellement être assez largement surévalué « dans une fourchette de 15-20 %, avec des chiffres proches de 30 % pour certains segments tels que les bureaux parisiens », prévient le Conseil. Des études complémentaires sont menées actuellement pour vérifier plus en détail les risques de déstabilisation.
Mais, pour les autorités, il est déjà évident que les assureurs se trouveraient en première ligne : principaux détenteurs d’immobilier commercial, ils cumulent plus de 100 milliards d’euros de cette classe d’actifs selon des données compilées par le HCSF (et remontant déjà à 2013). Or, l’appétit pour l’immobilier n’a fait que s’aiguiser depuis. Globalement, les volumes de transactions sont revenus à leur pic de 2007 (voir illustration). Cet engouement trouve son explication dans l’environnement de taux faibles – et parfois même négatifs – vécu actuellement dans la zone euro : présumée peu risquée, la pierre offre en théorie un rendement supérieur à celui d’une obligation d’Etat à 10 ans, elle aussi réputée très sûre. Le problème est que, à mesure que le succès pour la pierre se confirme, les prix augmentent certes, mais symétriquement, la rentabilité se dégrade. D’autant que dans le même temps, les bailleurs consentent des rabais aux locataires de bureaux, ce qui pèse sur la rentabilité.
Le coup de grâce
Mais le coup de grâce viendrait plutôt d’une « remontée plus ou moins brutale des taux », relève le HCSF. Celle-ci dégraderait l’avantage comparatif de l’immobilier commercial face aux autres catégories de placement. Les investisseurs pourraient alors se détourner de la pierre, et c’est bien une plongée des prix qui pourrait se déclencher, entraînant dans leur chute tous ceux qui auront trop misé sur cet investissement.
À noter
Le gendarme bancaire (ACPR) va enquêter sur les pratiques de financement du marché de l’immobilier commercial.
Edouard Lederer, Les Echos

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