Ils sont censés parler d’avenir et de « subventions pour le marché de la voiture électrique », mais le sommet que tient ce mardi la chancelière Angela Merkel avec plusieurs ministres et les grands patrons de l’industrie automobile allemande risque de traiter aussi du passé. Avec cette question : comment sortir la tête haute du scandale du diesel, qui menace d’entraîner avec lui l’alliance controversée entre cette industrie phare et la politique ?
Volkswagen n’est plus le seul montré du doigt, même s’il reste a priori le seul à avoir recouru à des moyens illégaux pour réduire les valeurs d’émission des moteurs Diesel. Selon un rapport présenté vendredi par le ministre allemand des Transports, Alexander Dobrindt, qui a annoncé le rappel « volontaire » de 630.000 véhicules, la quasi-totalité des constructeurs – de Daimler à Renault en passant par Opel – ont agi à la frontière du droit.
La journée de vendredi résume à elle seule la dimension mondiale du scandale auquel est confronté le secteur, qui se réunit cette semaine au Salon de Pékin. Tandis que Volkswagen annonçait la plus grosse perte de son histoire à la suite du « dieselgate » (lire ci-dessous), Daimler chutait de près de 5 % en Bourse après avoir annoncé une enquête interne à la demande des autorités américaines. Peugeot PSA reculait aussi après avoir reconnu que plusieurs sites avaient été perquisitionnés la veille. Enfin, le japonais Mitsubishi, qui a rappelé 625.000 mini-voitures soupçonnées de fraude, dévissait de plus de 13 %.
« Les groupes automobiles sont en train de ruiner leur réputation de manière aussi rigoureuse que les banques avant eux », jugeait samedi le quotidien conservateur « Frankfurter Allgemeine Zeitung ». La fédération de l’industrie automobile allemande (VDA) tente, elle, de limiter la casse. « Le rapport de contrôle du KBA [l’Office fédéral du transport routier] sur les émissions polluantes des voitures diesel assure la clarté et la transparence », selon son président, Matthias Wissmann, lui-même ancien ministre des Transports et proche d’Angela Merkel.
« Contrôles de doping »
Selon ce rapport qui était très attendu, 22 des 53 modèles de voitures testés ont recours à une technique permettant de limiter artificiellement les émissions d’oxydes d’azote (NOx). Dite « fenêtre thermique », elle désactive le système d’élimination de gaz toxiques en dessous d’une certaine température extérieure, par exemple 17°. « C’est légalement autorisé si l’équipement est nécessaire pour protéger le moteur de dommages ou d’accident », indique le KBA.
Le rappel de 630.000 véhicules, sur lesquels l’équipement devra être adapté, « montre que nous n’étions pas satisfaits », a déclaré le ministre Alexander Dobrindt, qui sera au coeur d’une prochaine enquête parlementaire demandée par l’opposition écologiste et de gauche radicale. Soupçonné de bienveillance vis-à-vis de l’industrie, le ministre a annoncé des « contrôles de doping » inopinés de véhicules et plaide pour une clarification des règles européennes.
Lors de la présentation du rapport, il a distingué le cas de Fiat, dont les modèles feront l’objet de tests spécifiques. Le KBA a en effet été informé par l’équipementier allemand Bosch de l’utilisation éventuellement illégale d’un de ses équipements par le groupe italien. « Bosch s’est comporté de manière correcte », a affirmé Alexander Dobrindt. Bosch et Fiat Chrysler ont refusé de commenter.
Chez Renault, dont le système antipollution est aussi mis en cause par le KBA, on explique qu’il n’y a rien de neuf. Début avril, le constructeur français avait précisé les lignes d’un plan d’action visant à corriger le fonctionnement des « valves EGR » de ses moteurs Diesel. Les propriétaires d’Espace ou de Kadjar livrées après juin 2015 et ceux de tous les autres engins nourris au diesel depuis septembre 2015 pourront, s’ils le souhaitent, faire recalibrer gratuitement leur moteur pour doubler la plage de fonctionnement de leur équipement anti-NOx. A priori, quelque 700.000 à 800.000 Renault pourraient être concernées en Europe.
Thibaut Madelin, Les Echos
Julien Dupont-Calbo, Les Echos

Fonte: