Après dix-huit mois d’existence sous le radar, le fonds corporate de capital-risque d’AXA a décidé de sérieusement accélérer son développement : deux recrutements pour les bureaux de San Francisco et de Londres, ainsi qu’un nouveau responsable des opérations, et encore plus de 200 millions d’euros à investir dans les trois à cinq ans à venir. La ligne est claire, il s’agit ici de soutenir des start-up dont l’activité est proche de celles de l’assureur. AXA ne se contente pas d’agir comme un simple fonds d’investissement, mais veut peser sur les décisions et aider les jeunes pousses dans leur développement, qu’elles complètent ou menacent de déstabiliser le deuxième acteur européen de l’assurance. « Nous souhaitons accompagner des entreprises qui veulent changer leur industrie, explique Imran Akram, directeur du bureau de Londres. Nous recherchons des jeunes pousses dont l’activité est stratégique pour AXA, à court ou long terme. »
Un modèle de profitabilité
Pour l’instant, une vingtaine de start-up sont accompagnées par AXA Strategic Ventures (ASV) qui se répartissent à égalité entre les Etats-Unis et l’Europe. L’investissement s’élève en moyenne à 1 million d’euros, mais peut aller jusqu’à une quinzaine pour les plus matures. Pour celles en phase d’amorçage, ASV reste minoritaire et vise 20 % de l’entreprise ainsi qu’un siège au conseil d’administration : « C’est important pour nous, estime Sébastien Loubry, directeur du développement. Nous voulons les aider à croître en les connectant à l’écosystème AXA. En leur donnant accès à des ressources Big Data et des compétences assurancielles importantes. » Et les start-up semblent apprécier… Medlanes, l’une des dernières à avoir reçu le soutien financier de l’assureur, a pu ainsi trouver de nouveaux débouchés. La jeune pousse allemande réalise un premier diagnostic à distance avant de renvoyer les patients vers des professionnels de santé inscrits sur la plate-forme. « AXA nous a aidés de plusieurs manières, mais nous a surtout aidés à trouver de nouveaux marchés et sur la manière de devenir profitable », détaille Emil Kendziorra, son fondateur. Medlanes s’appuie également sur son partenaire pour préparer son passage à l’international, au Royaume-Uni puis en France durant le second semestre de cette année.
Des jeunes pousses tricolores
Evidemment, les équipes d’AXA Strategic Ventures lorgnent aussi des pépites françaises. « Il y a beaucoup de bonnes idées et d’ambition en France, observe la nouvelle recrue basée à Londres. Les pièces du puzzle sont en place, mais pour accélérer il faut passer à une autre échelle, et cela est plus compliqué qu’ailleurs. Mais pas impossible… » Particeep fait partie des projets tricolores soutenus. Plate-forme de « crowdfunding equity », la start-up permet à d’autres pépites de lever des fonds auprès des internautes et en dehors des circuits traditionnels de financement. Parmi ses clients, les grands comptes se développent aussi. Ils recherchent une solution qu’ils peuvent habiller de leurs couleurs, comme le groupe Adeo (Leroy Merlin), qui l’utilise pour son innovation interne par exemple. « Ces clients peuvent utiliser notre solution en marque blanche afin de la tester, puis évoluer vers une intégration totale de notre technologie, parie Steve Fogue, cofondateur avec David Dumont de Particeep. Pour lui, le partenariat avec ASV a été crucial dans son développement : « Ils nous ont permis d’ajouter une dimension assurancielle à notre produit pour répondre aux risques d’opérations de financement en ligne. Cela rassure aussi nos clients et nous a donné accès à des grands comptes que nous aurions eu du mal à toucher. »
Une goutte d’eau
Avec ce véhicule, AXA affiche aussi son refus de voir son modèle renversé par un acteur qu’il n’aurait pas vu venir. Si l’action d’AVS vise également un retour financier « dans les normes du marché » environ cinq ans après son investissement, là n’est pas l’essentiel. Le chiffre d’affaires annuel du groupe frôle les 100 milliards d’euros et l’accompagnement des jeunes pousses ne représente que 330 millions, dont 230 pour ASV et 100 pour Kamet, un start-up studio pour faire émerger les pépites de l’assurtech.
Guillaume Bregeras, Les Echos
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