«  La plus grande acquisition jamais lancée par le holding des Agnelli depuis sa création », murmure-t-on à Turin. Sept ans après son arrivée à la présidence d’Exor – le holding d’investissement issu de la fusion IFI-Ifil en 2008 -, le dauphin de Gianni Agnelli franchit le Rubicon. Au lendemain de l’annonce de son OPA surprise sur PartnerRe, John Elkann, trente-neuf ans, a qualifié le réassureur américain de « cible idéale » pour Exor, en se déclarant convaincu que le conseil de PartnerRe «  prendra la bonne décision ».

En cas de succès de l’OPA de 6,4 milliards de dollars sur le réassureur américain, jusqu’ici engagé dans un projet de fusion avec son concurrent Axis, PartnerRe deviendrait le deuxième principal actif d’Exor après ses 30 % dans FCA (Fiat Chrysler Automobiles), concrétisant son grand virage dans les services financiers.

«  Nous sommes confiants dans l’idée de pouvoir conclure l’opération d’ici à la fin de l’année et nous sommes totalement déterminés à porter à terme cet accord dans les termes présentés », a lancé John Elkann en rappelant que le groupe Agnelli faisait déjà partie des fondateurs historiques du réassureur en 1993. «  Je ne vois pas de raison pour laquelle le conseil de PartnerRe ne prendrait pas la bonne décision pour ses actionnaires », a-t-il ajouté, refusant de préciser s’il était prêt à envisager une « offre hostile » en cas de rejet.

Pour lui, PartnerRe est «  un des rares réassureurs purs d’une taille significative », ce qui en fait une cible idéale pour Exor. Malgré la baisse de rentabilité du secteur de la réassurance à court terme, le patron d’Exor reste convaincu de ses potentialités à long terme en rappelant que PartnerRe a restitué les trois quarts de ses profits (700 millions de dollars) à ses actionnaires en 2014. Il s’est dit aussi confiant dans la « solidité » de son management, malgré les récents départs de deux dirigeants clefs : l’ex-CEO Costas Miranthis, et Brian Secrett (responsable du secteur des catastrophes) en janvier.

A 130 dollars par action, l’offre d’Exor représente une prime de 16 % par rapport à la valorisation de PartnerRe dans la fusion avec Axis. C’est la première initiative majeure d’Exor depuis la vente de ses 15 % dans le suisse SGS, leader mondial de l’inspection et de la certification industrielle, pour 2 milliards d’euros, en juin 2013, et la mise en vente de sa filiale de services immobiliers Cushman & Wakefield. Sixième réassureur mondial dans le secteur dommages, le groupe PartnerRe, basé aux Bermudes et présidé par le français Jean-Paul Montupet, affiche un résultat de 1 milliard de dollars sur un total de primes de 6 milliards.

Selon les analystes, ce choix confirme la volonté de renforcement des investissements de la « galaxie Agnelli » aux Etats-Unis, avec la prochaine introduction de Ferrari à Wall Street en juillet. L’ampleur de l’investissement, largement financé par des ressources propres, pourrait laisser présager un rééquilibrage drastique du portefeuille d’Exor. En cas d’accélération de la consolidation dans l’automobile, – ardemment souhaitée par Sergio Marchionne -, Exor pourrait se laisser diluer dans le capital de FCA, en cas de mégafusion avec General Motors ou Ford, par exemple. Tandis que le conseil de PartnerRe s’est déclaré prêt à examiner l’offre d’Exor, le patron d’Axis Capital, Albert Benchimol, a souligné que son groupe reste «  totalement engagé » dans son projet d’intégration avec PartnerRe. 

Pierre de Gasquet, Les Echos
Correspondant à Rome