Les dernières rumeurs voulaient que Benoît Coeuré, membre très influent du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), devienne le prochain gouverneur de la Banque de France. Ses chances semblent désormais compromises. Selon nos informations, c’est François Villeroy de Galhau, actuel directeur général délégué de BNP Paribas, polytechnicien et énarque, qui serait le mieux parti pour remplacer Christian Noyer, en novembre. L’Elysée aurait fait son choix, même s’il reste six longs mois pendant lesquels d’ultimes rebondissements sont possibles.

« François Hollande n’a pas tranché entre Benoît Coeuré et François Villeroy de Galhau », tempère un proche du président.  « L’idée est de garder deux fers au feu. » Comprendre : les deux hommes pourraient l’un comme l’autre occuper la fonction de gouverneur de la Banque de France ou celle de membre du directoire de la BCE.

Il reste que les deux postes ne sont pas si aisément « interchangeables », puisque la nomination au comité de direction de la BCE ne relève pas de la politique interne française mais du Conseil européen. Surtout, le Parlement de Strasbourg peut rendre un avis négatif, comme il l’avait fait en 2012 à l’encontre du Luxembourgeois Yves Mersch (finalement nommé), pour des raisons de parité.

Si l’option « Francfort » semble compliquée, en revanche, la voie est libre pour que le dirigeant de BNP Paribas puisse prendre les rênes de la Banque de France à l’automne. Mardi matin, Matignon a annoncé qu’il quittera ses fonctions le 1er mai pour assumer « une mission d’études sur le financement de l’investissement, en France et en Europe, dans le contexte de la baisse des taux d’intérêt ». Il rendra un premier rapport en juillet, ce qui lui offre un laps de temps opportun pour s’éloigner des affaires courantes de BNP Paribas et faire taire les critiques au sujet d’un éventuel conflit d’intérêts (lire ci-contre).

L’intéressé récuse toutefois fermement cette interprétation des faits. « J’ai une seule motivation très forte : le service de mon pays en Europe, et cette mission peut y contribuer », jure-t-il aux « Echos ». La mission d’intérêt générale de François Villeroy de Galhau visera à « s’assurer que la baisse des taux d’intérêt bénéficie au mieux à l’ensemble des entreprises françaises et européennes » et à « favoriser en Europe une approche intégrée et efficace des besoins de financement », précise Matignon « Ces enjeux sont évidemment clefs pour que la reprise conjoncturelle actuelle se prolonge en croissance et en emplois durables », souligne le banquier. Et ensuite ? François Villeroy de Galhau martèle que ce n’est pas le sujet du moment. La suite pourrait d’ailleurs dépendre des premières conclusions du rapport commandé par Manuel Valls.

L’hypothèse de son arrivée à la Banque de France a pourtant été l’un des principaux sujets de discussion de la délégation française à Washington, où se tenait la réunion de printemps du Fonds monétaire international (FMI) en fin de semaine dernière. Les partisans de Benoît Coeuré ont fait grise mine en découvrant les scénarios de l’Elysée. Car, selon eux, l’économiste et ancien directeur de l’agence de la dette française, présente le profil idéal pour devenir gouverneur à la place de Christian Noyer, même s’il n’est pas passé par l’ENA. Le quadragénaire au parcours aussi brillant qu’atypique semblait d’ailleurs prêt pour la fonction, après avoir un temps hésité, lui qui se passionne pour l’international.

Mario Draghi, le président de la BCE, qui avait fait le déplacement à Washington, aurait lui-aussi été stupéfait en apprenant la nouvelle, vendredi, rapporte une source. L’Italien, qui a été violemment attaqué lors de sa nomination à Francfort du fait de ses états de service passés chez Goldman Sachs, était visiblement convaincu que Benoît Coeuré, son bras droit à la BCE, serait le relais de la politique monétaire européenne en France… plutôt qu’un banquier de BNP Paribas. 

Isabelle Couet, Les Echos
N. Re., Les Echos