Le gouvernement souhaite créer « un droit universel à la garantie jeunes » en généralisant la garantie déjà expérimentée au profit des jeunes sans emploi ni formation qui bénéficient d’un accompagnement et d’une allocation mensuelle de 461,26 euros pendant un an, voire plus. Mais ça n’est peut-être qu’un prélude de la vision de Manuel Valls tendant à faire de la « pré-distribution » pour prévenir plutôt que guérir. Car désormais et par ailleurs, les projets fleurissent, soutenus tout à la fois par une gauche extrême et par de pseudo-libéraux, de substituer à la foultitude d’aides sociales existantes une allocation unique et universelle.
L’idée est d’attribuer à chaque citoyen une somme mensuelle assurant sa subsistance, le cas échéant différenciée selon l’âge du bénéficiaire. Cette allocation dite « universelle », d’un montant variable de 470 à 800 euros par mois selon les scénarios, pourrait ainsi remplacer tout ou partie des aides sociales, dont le maquis nuit à une juste attribution. Tous auraient un filet de sécurité garanti par la collectivité. En contrepartie, certains proposent l’institution d’un impôt proportionnel dont l’allocation universelle serait déduite. Tous les citoyens seraient ainsi traités égalitairement dans le cadre d’un système si simple qu’il en devient séduisant. Mais cette séduction est celle de l’enfer pavé de bonnes intentions.
Ce revenu universel aurait tôt fait de laisser croire à chacun qu’il peut donc vivre en tendant la main, sans travailler. Certes, il ne pourrait le faire que modestement, mais ce serait possible de subsister d’oisiveté, le cas échéant en s’associant avec d’autres compagnons de prébende. Rien ne dit d’ailleurs que bientôt la pression ne se ferait pas pour augmenter cette aubaine prélevée sur les autres, ceux qui travailleraient encore. L’exemple de l’impôt progressif sur le revenu, dont le taux de 2 % à sa création en 1914 a été porté jusqu’à 90 % en 1925, est éloquent à cet égard. Et même si très peu devaient profiter indûment de ce revenu universel pour vivre aux dépens des autres sans en avoir nécessité, ce serait toujours trop et immoral dans le principe. Par définition, ces profiteurs seraient les prédateurs du revenu des autres. Et cette allocation universelle détruirait la propriété et le travail sans lesquels le progrès et la civilisation s’affadissent à défaut de permettre à la liberté de s’épanouir.
Bien plus, ce concept est le prototype des droits créances consistant à faire croire à chacun qu’il peut exiger des autres le paiement d’une dette qu’ils n’ont jamais contractée. Cette illusion dénature les rapports sociaux en contribuant à leur déséquilibre et en favorisant des revendications infondées.
Il n’y a pas lieu pour autant de dénier toute aide à l’égard de ceux qui en ont réellement besoin, incapables de travailler ou laissés pour compte. Et il est vrai qu’une prestation unifiée et simplifiée éviterait que se perdent trop souvent les allocataires dans le labyrinthe social où des petits malins savent obtenir plus que leur dû. Mais le souci des plus démunis doit tendre à leur rendre, autant que faire se peut, la responsabilité d’eux-mêmes plutôt qu’à les en décharger en leur faisant croire que c’est leur droit de vivre aux crochets de la société. La réalité d’ailleurs serait que l’allocation universelle contribuerait surtout à renforcer un Etat déjà omnipotent, joyeux d’avoir trouvé le moyen d’infantiliser encore un peu plus le peuple et pressé de dévorer ceux qu’il nourrit.
L’essence de chaque individu est dans sa liberté de grandir en forgeant son destin et en l’assumant plutôt que de s’engourdir dans la soumission au Léviathan. Il est toujours dangereux d’attendre que l’Etat fasse notre bien quand son devoir est de nous permettre de le faire nous-mêmes.
Jean-Philippe Delsol

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