La France n’avait pas connu pareille catastrophe aérienne sur son sol depuis le drame du Concorde le 25 juillet 2000, qui avait fait 113 victimes, à proximité des pistes de Roissy. Avec 150 victimes – 144 passagers et 6 membres d’équipage – le crash de l’Airbus A320 de Germanwings est même la pire catastrophe aérienne en France depuis l’accident d’un DC-9 yougoslave près d’Ajaccio, en 1981.

Les causes du drame restaient encore totalement inconnues hier soir. Selon les premières constatations, l’appareil a percuté la montagne dans le massif des Trois Evêchés, à proximité de Digne-les-Bains, dans les Alpes de Haute- Provence. Les débris de l’appareil éparpillés sur plusieurs hectares témoignaient de la violence du choc, qui n’a laissé aucune chance aux passagers. Toutefois, l’un des deux enregistreurs de vol de l’appareil avait déjà été retrouvé en fin de journée. Il devrait permettre aux enquêteurs du Bureau Enquête Accident (BEA), chargé de l’enquête technique, d’y voir rapidement plus clair, pour peu que les données n’aient pas été endommagées.

L’appareil de la compagnie low cost Germanwings, filiale de Lufthansa, avait décollé de Barcelone à 9 h 01, à destination de Düsseldorf. Au vu de la trajectoire du vol sur le site « Flightrader24 », qui permet de suivre les avions en direct, l’appareil a amorcé une descente très rapide vers 9 h 30, soit une demi-heure après son décollage, depuis son altitude de croisière de 11.500 mètres, pour une raison encore inexpliquée.

D’après les premières informations communiquées par les autorités, un signal de détresse aurait été émis à 10h30 par le contrôle du trafic aérien, alors que l’appareil était déjà descendu à seulement 1.500 mètres d’altitude et que les sommets du massif des Trois Evêchés culminent à près de 3.000 mètres. Ce qui laisse supposer une perte de contrôle partielle ou totale de l’appareil. Cependant, l’équipage n’a envoyé aucun message durant les huit minutes qu’a duré la descente de l’avion et aucun contact n’a pu être établi par les contrôleurs aériens. « L’avion ne s’est pas déclaré en détresse lui-même », a déclaré un porte-parole de la DGAC. «  C’est la conjonction de la perte de contact radio et de la mise en descente qui a conduit le contrôleur aérien à déclencher la phase de détresse. »

Lancée en 2002, Germanwings, qui compte 80 appareils, n’avait jamais connu d’accident. Sa maison mère Lufthansa figure également parmi les références du secteur en matière de sécurité, avec trois catastrophes aériennes. En 2013, Lufthansa avait même décidé de confier à Germanwings l’essentiel de son réseau intra-européen, à l’exception des lignes desservant ses hubs de Francfort et Munich (lire ci-contre).

Quant à l’A320, c’est de loin le plus vendu des appareils d’Airbus, qui en a déjà livré plus de 6.200 exemplaires. Depuis son début, en mars 1988, ce biréacteur court et moyen-courrier a connu 22 catastrophes, dont quatre sur le sol français. Le dernier accident d’A320 en France date de novembre 2008. Un A320 de la compagnie charter XL Airways sans passagers commerciaux à son bord s’était abîmé en mer, au large de Saint-Cyprien, avec son équipage de 7 personnes. Mais, le plus grave accident d’A320 survenu en France était jusqu’à présent celui d’un appareil d’Air Inter, qui s’était écrasé en 1993 sur le Mont Saint-Odile, près de Strasbourg, faisant 87 morts.

L’appareil de Germanwings, qui portait le numéro de série 147, faisait toutefois partie des plus vieux A320 en fonction dans le groupe Lufthansa. Entré chez Lufthansa en février 1991, puis transféré chez Germanwings en 2003, il était en service depuis vingt-quatre ans, alors que la moyenne d’âge de la flotte d’A320 du groupe Lufthansa est de neuf ans chez Lufthansa et quatorze ans dans sa filiale low cost. Il était équipé de deux moteurs CFM56 de CFM international, la coentreprise de Safran et GE, qui équipe la moitié des A320 dans le monde. Selon un communiqué d’Airbus, l’appareil totalisait 58.300 heures de vol et quelque 46.700 vols. Toutefois, pour le directeur général de Germanwings, Thomas Winkelmann, qui a tenu une conférence de presse hier, l’âge de l’A320 n’aurait « aucune incidence » sur l’état de l’appareil. L’avion avait été passé au peigne fin à l’occasion d’une « grande visite », à l’été 2013 et avait encore subi un contrôle technique de routine la veille de l’accident. Le commandant de bord était un ancien pilote de Lufthansa expérimenté, avec dix ans d’ancienneté et plus de 6.000 heures de vol à son actif. 

BrunoTrévidic, Les Echos