Le gouvernement allemand veut réformer le marché de l’assurance-vie, pris en étau entre des promesses de rendement très élevées et des taux de marché trop bas pour les remplir. « Nous réfléchissons à un paquet de mesures qui doivent permettre aux assureurs-vie d’assumer les garanties offertes dans la durée », a déclaré hier Michael Meister, secrétaire d’Etat au ministère des Finances. Un sujet sensible politiquement : avec 93,2 millions de contrats, pour une population de 80,5 millions d’habitants, et un encours de 765 milliards d’euros, l’assurance-vie est un des placements les plus populaires outre-Rhin.

Au coeur du sujet : la structure des produits, qui garantissent à leurs clients destaux fixes dans la durée. Aujourd’hui, une compagnie offre à tout nouveau client un taux de placement garanti de 1,75 % qui sera valable à la fin du contrat, dans douze ans. Le problème ? Les nombreuses compagnies qui ont vendu dans les années 1990 des contrats garantis à 4 % peinent aujourd’hui à trouver des placements ayant les mêmes rendements. Les bons du Trésor allemand offrent un taux de 1,3 %…

Pour être à même de remplir leurs promesses, les assureurs constituent des « réserves supplémentaires de taux ». Selon l’agence de notation financière spécialisée Assekurata, ce coussin de sécurité a représenté 13,5 milliards d’euros sur les trois dernières années. « Nous estimons que 8 à 10 milliards d’euros supplémentaires sont nécessaires rien que cette année », précise Reiner Will, son directeur général.

Un problème n’arrivant jamais seul, la profession se voit rattrapée par un autre élément qui fait son succès. Depuis 2008, en effet, les assureurs-vie allemands doivent redistribuer environ la moitié de leurs plus-values latentes, aussi appelées « réserves d’évaluation », aux clients dont les contrats arrivent à expiration. La fédération professionnelle GDV chiffre la charge à 300 millions d’euros par mois pour la branche. Une somme que touchent les clients en fin de contrat, mais financée par les clients restants.

« Les réserves d’évaluation doivent rester disponibles pour l’ensemble des assurés, déclare le président du GDV, Alexander Erdland. Le but est de traiter justement les clients dont le contrat expire et ceux dont le contrat va se poursuivre encore longtemps. » Michael Meister estime aussi que la priorité doit être donnée au partage entre assurés et non de chercher à soutenir le profit des compagnies d’assurances. Le gouvernement précédent avait tenté de réformer le système, mais s’était heurté à l’opposition des associations de consommateurs. Ceux-ci craignent aussi qu’on s’occupe davantage du sort des assureurs. Une partie d’entre eux sont en danger, relevait de fait un rapport de la Bundesbank en novembre : « Dans un scénario de stress avec un environnement prolongé de taux bas, plus d’un tiers des assureurs-vie allemands ne seraient pas capables de remplir les critères de fonds propres relatifs aux règles actuelles de solvabilité (Solvabilité I) d’ici à 2023. »

Thibaut Madelin
Correspondant à Berlin