Les assureurs ont été pris de court. Avant mardi, ils n’avaient jamais entendu parler des intentions de François Hollande de changer la fiscalité de l’assurance-vie s’il est élu président de la République. Comme l’a expliqué Michel Sapin, chargé du programme économique du candidat socialiste, la fiscalité du placement préféré des Français serait alors alignée sur le barème de l’impôt sur le revenu (« Les Echos » d’hier).

Encore sous le coup de la surprise, ils redoutent dans l’immédiat l’impact d’une telle annonce sur le comportement des épargnants. « On peut craindre que la collecte n’en fasse les frais dans les deux, trois mois qui viennent. Déjà que les clients sont très attentistes en ce moment et affichent une préférence pour une épargne de précaution », regrette Bernard Le Bras, le directeur exécutif de Suravenir (Crédit Mutuel Arkea).

Ces déclarations tombent d’autant plus mal pour le marché que les versements sur les contrats en euros ont progressé de 2 % en janvier pour la première fois depuis plus d’un an. En 2011, l’incertitude qui avait longtemps entouré la réforme sur la fiscalité du patrimoine avait déjà pesé sur la collecte. « Il faut arrêter toute cette instabilité sur la législation de l’assurance-vie. Cela va casser la confiance des épargnants »,réagit Charles Relecom, le président de Swiss Life France.

« On va changer de logique »

A plus long terme, les assureurs s’interrogent sur les effets de la mesure envisagée par le camp socialiste.« A ce stade, il est difficile d’identifier le segment de clientèle qui sera le plus impacté par cette mesure,indique Hugues Aubry, le directeur général de Neuflize Vie. Elle revient à mettre en place une double taxation pour l’épargnant sur ses revenus, puis sur ses placements. Cela ne va sans doute pas modifier l’épargne de long terme, qui est un des objectifs premiers de l’assurance-vie. » C’est ce point qui inquiète le plus les assureurs. La fiscalité de l’assurance-vie est aujourd’hui construite de manière à inciter les Français à conserver leur épargne au moins huit ans, avec un prélèvement libératoire forfaitaire au taux de 35 % en cas de rachat avant quatre ans, de 15 % entre quatre et huit ans et de 7,5 % au-delà. « Si les revenus de l’assurance-vie sont fiscalisés comme les revenus du travail, on va complètement changer de logique. Comment cette proposition peut-elle être compatible avec le maintien du mécanisme de blocage actuel ? Dans ces conditions, comment pourra-t-on encore inciter les Français à conserver leur épargne sur quatre ans ou huit ans ? », demande Jean-Luc de Boissieu, le secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema).

Comme à chaque fois que l’assurance-vie est menacée, les assureurs agitent le chiffon rouge : « Ce qui est susceptible d’affaiblir l’assurance-vie impacte nécessairement l’ensemble de l’économie du pays »,souligne la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). Les assureurs représentent ainsi 46 % de la dette française détenue par les résidents. Leurs actifs sont également investis à hauteur de 435 milliards d’euros dans des entreprises en France. « Une telle mesure serait-elle réellement mise en place ? Elle aurait un impact non négligeable sur la contribution de l’assurance-vie au placement de la dette », renchérit Bernard Le Bras.

En cette période électorale, la FFSA avance un autre argument : « Pour plus de 17 millions de ménages, l’assurance-vie représente un complément prépondérant de préparation à la retraite ou permet à de nombreux assurés, dans les temps difficiles, de trouver un complément de pouvoir d’achat. »

En attendant d’avoir des précisions sur ces annonces , les assureurs s’avouent toutefois soulagés de voir que le candidat socialiste ne compte pas s’attaquer à la fiscalité des contrats souscrits dans un but de transmission.

LAURENT THÉVENIN