Denis Kessler, ceo di Scor, rompe il silenzio e punta il dito. Il ceo del quinto riassicuratore più grande del mondo, che lotta dall’estate scorsa per evitare l’acquisizione del suo gruppo da parte del suo azionista di maggioranza, Covéa (MAAF, MMA, GMF), illustra in dettaglio le ragioni che lo hanno portato a citare in giudizio la mutua e il suo CEO, Thierry Derez. In una citazione diretta, depositata a fine gennaio presso il Tribunale Penale di Parigi, lo ha accusato di aver abusato della sua posizione di amministratore di SCOR “in nome proprio” per appropriarsi indebitamente di informazioni riservate al fine di accelerare il suo progetto di acquisizione. Thierry Derez aveva denunciato a “Le Monde” una procedura “che raccoglie molte insinuazioni”. “Ho preso atto che Covéa non vuole più assumere il controllo di SCOR e ne sono profondamente soddisfatto”, afferma Denis Kessler, che sta preparando il prossimo piano strategico che sarà presentato a settembre.

Laurent Thévenin, Guillaume Maujean et François Vidal

Denis Kessler, le PDG de SCOR, sort du silence et enfonce le clou. Le patron du cinquième réassureur mondial qui s’est battu depuis l’été dernier pour éviter le rachat de son groupe par son premier actionnaire, Covéa (MAAF, MMA, GMF), détaille les raisons l’ayant conduit à attaquer en justice l’assureur mutualiste et son PDG, Thierry Derez. Dans une citation directe, déposée fin janvier devant le tribunal correctionnel de Paris, ce dernier est accusé d’avoir abusé de son poste d’administrateur de SCOR « en son nom propre » pour détourner des informations confidentielles afin d’accélérer son projet d’acquisition. Thierry Derez avait dénoncé dans « Le Monde » une procédure « qui rassemble une flopée d’insinuations ». « J’ai pris acte que Covéa ne veut plus prendre le contrôle de SCOR et je m’en réjouis, profondément », se félicite, lui, Denis Kessler, en pleine préparation du prochain plan stratégique qui doit être présenté en septembre.

Saisines de l’AMF, du haut comité de gouvernance, citation directe en justice pour abus de confiance contre Thierry Derez, Covéa et ses banques. Vous n’y êtes pas allé de main morte pour obtenir de Covéa qu’il renonce à son projet de rachat de SCOR…
SCOR est une société qui a connu un développement remarquable depuis quinze ans, conjuguant croissance, rentabilité et solvabilité. Elle n’a besoin de rien ni de personne. Quand, il y a moins de trois ans, Covéa a acquis les 6 % de SCOR cédés par Sompo, nous avons exigé un « standstill » de trois ans, ce que Thierry Derez a accepté avec grande réticence. Dans sa lettre d’offre prétendument « strictement confidentielle » du 24 août, il affirmait que Covéa renoncerait à sa proposition si elle n’était pas recommandée par le conseil d’adminis-tration de SCOR. Après analyse approfondie, le conseil a décidé à l’unanimité de ne pas donner suiteà sa proposition. Dans la foulée, Thierry Derez l’a rendue publique, sans même nous prévenir !
Ces manoeuvres sont véritablement inamicales, déloyales et hostiles. Il aurait dû prendre en compte les raisons de fond justifiant notre refus et renoncer à sa proposition, qui ne reposait sur aucun projet industriel, ne valorisait pas le groupe à son juste prix et détruisait de la valeur. Thierry Derez s’est entêté. Et il a commis de nombreuses fautes, au préjudice de SCOR, que nous avons décidé de porter l’affaire en justice. Dans cette affaire, nous défendons l’intérêt social de SCOR et de ses parties prenantes : actionnaires, collaborateurs et clients. C’est mon devoir fiduciaire de mandataire social.

Quelles sont ces fautes, selon vous ?
Première faute, il a délibérément cherché à contourner l’accord de « standstill » signé en avril 2016 quand Covéa est devenu le premier actionnaire de SCOR. Cet accord limitait sa participation dans SCOR à moins de 10 % pendant trois ans. Sa deuxième faute a été de ne pas démissionner du conseil d’administration de SCOR dès que Covéa a commencé à préparer une offre. Dès lors, il s’est retrouvé en conflit d’intérêts patent. Ayant accès à toutes nos informations sensibles et confidentielles en tant qu’administrateur en son nom propre et en même temps chef d’orchestre d’un projet dissimulé d’offre publique sur SCOR, il a détourné l’objet de son mandat au bénéfice de Covéa. Il aurait dû se retirer de notre conseil au minimum un an avant la fin du « standstill ».

Et la troisième ?
C’est d’avoir transmis des informations et documents strictement confidentiels de SCOR à des tiers. En l’occurrence, à Covéa et ses banquiers-conseils. C’est illégal. Seul Credit Suisse, l’une des banques de Covéa, a compris l’extrême gravité de la situation. Je salue le comportement exemplaire de Tidjane Thiam [le directeur général de Credit Suisse, NDLR] qui a décidé, après enquête interne, de retirer son soutien à Covéa dès le mois de novembre 2018, décision que Covéa s’est bien gardé de rendre publique !
Sur ordonnance d’un juge britannique, Credit Suisse nous a transmis plus de 395 e-mails et 3.000 pages, qui contiennent des informations et documents de SCOR qui n’auraient jamais dû être transmis à des tiers. M. Derez, siégeant en son nom propre au conseil de SCOR, ne pouvait transmettre ces informations et documents à quiconque. En transmettant ces informations et documents, il a violé les obligations de loyauté et de confidentialité auxquelles il était astreint et a commis un abus de confiance.
Thierry Derez affirme qu’il a dû précipiter les choses à la suite de mouvements de cours suspects sur le titre SCOR courant août, qui lui ont laissé supposer qu’une opération se préparait…
Affabulations ! M. Derez vient d’un autre monde. En découvrant ces mouvements suspects sur son cours mi-août, préalablement à l’offre non sollicitée de Covéa du 24 août, SCOR a immédiatement saisi l’AMF. Sont-ils dus à des fuites chez Covéa et ses banquiers ? Y a-t-il eu délit d’initié ? L’enquête le dira.
Mais surtout, qui peut croire que Covéa a pu finaliser son projet et obtenir des financements fermes à hauteur de 8 milliards d’euros en quelques jours en plein mois d’août ? La réalité, c’est que la décision de se lancer concrètement à l’assaut de SCOR a été prise par Thierry Derez à sa sortie du comité stratégique de SCOR du 25 juillet auquel il participait et au cours duquel il nous a été présenté un projet éventuel de rapprochement avec un autre réassureur, ainsi que la valeur intrinsèque de SCOR. La valeur intrinsèque de SCOR est une donnée stratégique fondamentale pour quiconque prépare une offre sur notre société. Au sortir de cette réunion, M. Derez demande immédiatement à ses banques-conseils d’accélérer la préparation de l’offensive sur SCOR. Cela ressort clairement des e-mails que nous avons obtenus.

C’est lors de cette réunion que vous avez parlé du « projet Parfum », visant à rapprocher SCOR de Partner Re ?
Le comité stratégique de SCOR a exploré un scénario sur la base d’un document confidentiel préparé par Citi. Parler d’un « projet » est un abus de langage. Il n’y a pas eu discussions, ni directes ni indirectes, avec Partner Re ni avant ni après ce comité. Partner Re a démenti officiellement tout contact avec SCOR. SCOR est une société cotée, qui respecte strictement la réglementation boursière.

Dans votre citation, vous laissez entendre que Thierry Derez aurait quitté cette réunion avec le document confidentiel détaillant le « projet Parfum » et l’évaluation de la valeur intrinsèque de SCOR…
Je ne le laisse pas entendre. Que M. Derez fasse son examen de conscience !

Pourquoi ne pas engager des discussions avec Covéa. Un tel rapprochement ne pourrait-il pas faire sens sur le fond ?
Ce rapprochement n’a strictement aucun sens. Que nous aurait apporté Covéa ? Des technologies, des méthodes, des produits ? Rien de tout cela ! Nous aurions perdu au contraire des clients, des compétences, de la flexibilité financière, de la substance, notre notation… Covéa est un assureur hexagonal, assurant les risques simples des particuliers. Son développement à l’étranger – Italie, Irlande, Royaume-Uni, Etats-Unis – est calamiteux. SCOR est une société globale, couvrant des risques complexes et importants dans plus de 160 pays… Le conseil d’administration a rejeté ce projet à l’unanimité, et à plusieurs reprises, notamment parce qu’il était contraire à l’intérêt social de SCOR et allait à l’encontre des intérêts des actionnaires. La proposition de Covéa ne correspond en effet ni à la valeur intrinsèque ni à la valeur stratégique de SCOR.

Ne craignez-vous pas de vous mettre la place de Paris à dos en allant si loin dans la riposte ?
Non, au contraire ! Pour rayonner, une place financière doit lutter contre ceux qui ne respectent pas les règles de marché. Pour bien fonctionner et attirer des investisseurs étrangers, une place doit avoir des règles claires et transparentes, respectées par tous. Les manquements doivent être sanctionnés sans faiblesse. Adam Smith disait que le marché commence par le respect de la loyauté. La complaisance n’a pas droit de cité.

« SCOR est un consolidateur, pas une proie, qu’on se le dise ! »

Propos recueillis par L. T., G. M. et F. V.
Covéa peut-il rester au capital de SCOR ?
Covéa, comme personne morale, a été abusé par Thierry Derez – personne physique. SCOR est un très bon placement, à condition de ne pas vouloir en prendre le contrôle par la force. Les sociétaires de Covéa ont bénéficié pleinement des performances de notre groupe depuis quinze ans.
N’est-ce pas malgré tout un caillou dans votre chaussure de l’avoir comme premier actionnaire ?
Cela ne nous empêche pas de marcher ! SCOR fait face à tout. Cette société était en quasi-faillite en 2002. Redressée, elle a absorbé les tempêtes, les tremblements de terre, les plus grandes catastrophes naturelles et les crises financières. Nous créons de la valeur. Nous avons versé 2,5 milliards d’euros de dividendes au cours des dix dernières années. Nos actionnaires de long terme nous ont toujours soutenus. SCOR a aujourd’hui la meilleure notation financière de toutes les sociétés cotées en France. J’ai pris acte que Covéa ne veut plus prendre le contrôle de SCOR et je m’en réjouis, profondément.
Mais comment en est-on arrivé là ? N’y a-t-il aucune réconciliation possible ?
Cela me semble être la conséquence d’une gouvernance totalement déficiente chez Covéa, qui ne prévoit aucun contre-pouvoir. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons qui ont permis à ce groupe mutualiste d’accumuler un tel trésor de guerre. Que ne rend-il leurs milliards d’euros à ses sociétaires ? C’est pourtant inscrit dans le statut de ce type de groupement. L’excédent de fonds propres de Covéa permettrait de faire un chèque de 1.000 euros à chacun des 11 millions de sociétaires ! Allez, encore un effort pour que Covéa redevienne mutualiste !
Votre cours de Bourse est revenu à son niveau de septembre. Quel discours allez-vous tenir aux investisseurs ?
Le cours de Bourse incluait un élément spéculatif en raison de cette offre. Notre plan stratégique, « Vision in Action », s’achève à l’été prochain. Nous préparons activement le prochain plan, que nous présenterons aux investisseurs début septembre. La société a une incroyable énergie, une ambition intacte, un moral d’acier. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes fiers de notre indépendance et de notre liberté. Cela renforce notre exigence de performance et notre sens de la responsabilité !
Considérez-vous que cette affaire est derrière vous ?
Oui.
SCOR n’est-il pas opéable ?
Je suis un « free marketer » : je crois dans les mécanismes de marché. Si un projet fait sens pour continuer à développer le groupe et à créer de la valeur, nous l’examinerons avec attention. Mais SCOR est un consolidateur, pas une proie. Qu’on se le dise !
L’une des questions soulevées par Covéa est celle de votre succession. L’avez-vous préparée ?
J’ai un mandat d’un peu plus de deux ans. J’ai démontré depuis seize ans que toutes les échéances du groupe sont préparées en temps et en heure. C’est pour cela que nous nous sommes hissés dans le tout premier cercle des sociétés de réassurance mondiales. Je gère le groupe SCOR avec comme unique souci son intérêt social sur le long terme. Agir comme si l’on était immortel, comptable de l’avenir, en sachant pertinemment que l’on est mortel et remplaçable.

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